mardi 29 septembre 2020

La femme - utérus

Cet été, alors que je portais dans mes bras le nouveau-né d'une copine pour la soulager un peu, un homme que je connais est passé près de moi et m'a dit en riant : "toi, tu es mûre pour un autre bébé". Désormais, je réponds invariablement : "c'est bon, j'en ai déjà trois, place aux jeunes maintenant". Parfois, je dis aussi que j'ai passé la barrière d'âge, ce qui, médicalement parlant, n'est pas vrai, mais ça permet invariablement de clore le débat et de fermer le clapet de mon interlocuteur.

Je ne peux que constater que c'est une question qui revient souvent, quand on est une femme. On vous ramène invariablement à votre utérus. On vous fait des remarques vous reliant systématiquement au fait que, étant femme, le sujet des bébés est incontournable. Quand on est déjà mères et qu'on a passé la quarantaine, ça se passe facilement. Mais si on n'a pas d'enfants, parce qu'on n'en veut pas, ou que l'on ne peut pas en avoir, ou que l'on n'a pas encore trouvé la personne avec laquelle on souhaite en avoir, les remarques si régulières que l'on nous fait semblent parfois très violentes, à tout le moins agaçantes. Ces petites phrases lancées ça et là, même si elles viennent de quelqu'un de bienveillant ou d'un proche, nous enferment, ou plutôt nous réduisent à un utérus. Elles questionnent notre intimité, elles sont intrusives.


 

Pourtant, aujourd'hui, aujourd'hui plus que jamais, faire un enfant est un acte volontaire, une aventure choisie et décidée. Plus que jamais donc, les femmes sont amenées à entendre cette question : "quand est-ce que tu t'y mets ?" Il y a encore un siècle, les bébés arrivaient quand ils arrivaient, il est donc probable que ces questions étaient moins fréquentes. Depuis la démocratisation de la contraception, la donne a profondément changé et ce n'est au fond que très récemment que des femmes ont fait le choix de ne pas avoir d'enfants. En 2020, elles sont encore assez peu nombreuses à oser le dire. Et il est possible qu'elles n'osent pas le dire précisément parce qu'on leur renvoie sans cesse cette image de la femme-utérus, on les questionne toujours avec enthousiasme autour du fait qu'elles ont l'âge d'avoir des bébés, qu'elles vont être tellement heureuses de sentir grandir un petit être en elles. L'injonction à enfanter reste vive. Quand elles vivent en couple, elles sont littéralement renvoyées à cette idée-là : "la prochaine étape, c'est le bébé. C'est prévu pour quand ?" Comme si on prévoyait de faire un enfant comme on projette un voyage à New-York !

Les hommes, eux, n'ont jamais à répondre à de telles questions. Jamais on ne leur demande si ça les démange de devenir papa, s'ils sentent dans leur chair ce désir d'avoir un bébé. Jamais on ne les renvoie à l'idée du temps qui passe. Jamais on ne les interroge sur leurs intentions. Comme si faire un enfant n'était que la résultante d'un désir féminin, comme si les hommes n'avaient au fond que peu à dire sur cette histoire, comme si leur désir importait peu en la matière. A moins que ce ne soit que leur intimité à eux est plus respectée que celle des femmes...


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