lundi 28 septembre 2020

Dans un monde idéal, Adèle Haenel ferait consensus

Sous la grisaille de ce lundi matin d'automne, on s'enthousiasme ça et là de l'interview d'Adèle Haenel dans l'émission d'Augustin Trapenard sur France inter. L'actrice qui n'a eu de cesse depuis un an de dénoncer les violences faites aux femmes n'a rien perdu de sa verve. Elle considère la nomination de Gérald Darmanin au gouvernement comme "une insulte à une partie de la population qui s'est soulevée dans le sens de l'humanisme et qui veut défendre l'égalité, la liberté, la fraternité et la sororité". Elle est devenue une voix qui compte sur ces sujets-là. Elle s'est élevée contre le César attribué à Polanski, elle a dénoncé les agressions sexuelles dont elle a été victime durant son adolescence, elle a fustigé la façon dont la France a orienté le débat sur la liberté des hommes, plutôt que sur les victimes féminines... Ce faisant, elle est devenue un symbole de la lutte contre les violences faites aux femmes. Le combat était incarné, il avait un visage, un discours, des références intellectuelles et culturelles. Avec elle, la colère s'exprimait, au travers d'un discours argumenté. 

Chaque fois qu'elle s'exprime dans les médias, son discours ne varie pas et il se trouve des témoignages de lecteurs, d'auditeurs, de téléspectateurs pour dire qu'ils ont été émus par elle, que ses analyses, ses explications, ses dénonciations leur parlent, qu'ils réveillent quelque chose en eux, qu'ils comprennent, qu'ils mesurent l'ampleur du débat, voire même, qu'ils ont "envie de chialer". Alors, on pourrait croire qu'Adèle Haenel emporte l'adhésion générale, qu'elle permet un large consensus sur la nécessité d’œuvrer collectivement à ce que les violences disparaissent définitivement. Elle pourrait endosser un costume de superwoman, elle serait notre super héroïne ultra-puissante qui sauverait le monde des violences commises par les hommes contre les femmes. Elle ouvrirait la voie vers un avenir radieux, vers de meilleurs lendemains, plus altruistes, plus tolérants, plus égalitaires, plus humains.

 

Sauf que voilà, Adèle Haenel ne fait pas consensus. Eh ben non. Elle dérange. Elle est chiante aussi à ramener sans cesse le sujet sur le tapis, à geindre sur le sort des femmes. Elle est mal baisée ou quoi ? Ben oui, forcément, elle est lesbienne. Comme Virginie Despentes. Ce sont les mêmes ces deux-là. Elles ont la même hargne, le même dégoût des hommes. Et puis les médias passent leur temps à faire appel à elles, c'est saoulant à la fin. On était quand même mieux avant, quand les gouines n'osaient pas la ramener, non ? Angèle, c'est le même genre. Faites ce que je dis, pas ce que je fais : elle dénonce les violences faites aux femmes et elle ne dit rien quand son frère est pris les doigts dans le pot de confiture. Toutes les mêmes ces lesbiennes ! Forcément, ce discours-là, littéralement gerbant, vous l'avez entendu.

Dans un monde idéal, Adèle Haenel ferait consensus. A tout le moins, elle serait écoutée et comprise. Une vraie réflexion collective serait provoquée, chacun accepterait de balayer devant sa porte, les institutions révolutionneraient totalement leur façon de fonctionner et la société deviendrait vraiment égalitaire, accordant les mêmes droits et les mêmes devoirs à chacun et chacune, assurant la sécurité de toutes et tous. Dans un monde idéal, on ne frapperait pas une femme parce qu'elle porte une jupe considérée trop courte. Dans un monde idéal, on ne découragerait pas les femmes de devenir chirurgienne (lire cet article du Monde : Les discriminations et vexations doivent cesser). Dans un monde idéal, un homme accusé d'agression sexuelle n'accepterait pas d'être ministre et on ne le lui proposerait même pas, tant que la Justice ne l'aurait pas blanchi. Dans un monde idéal, les femmes n'auraient pas besoin de se battre constamment pour avoir la place qu'elles méritent. C'est usant à la longue. Rappelons-nous que dans le monde dans lequel nous vivons, les règles ont été établies par et pour les hommes. Or, plus de la moitié de l’humanité est faite de femmes...

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