vendredi 11 septembre 2020

Boycotter ou pas les artistes agresseurs sexuels ?

Séparer l’œuvre et l'artiste... Peut-on encore écouter Roméo Elvis maintenant que l'on sait qu'il est visé par des accusations sexuelles ? Les ventes de disques de Noir Désir se sont-elles éteintes depuis que Bertrand Cantat a tué Marie Trintignant ?  

Quand, à l'automne 2019, l'actrice Adèle Haenel avait raconté avoir été abusée sexuellement pendant son adolescence, l'universitaire Iris Brey, longuement interviewée sur Mediapart, avait expliqué que depuis qu'elle avait vu le film "Leaving Neverland" - ce long documentaire qui raconte l'histoire de Wade Robson et James Safechuck, deux des victimes de Michael Jackson, abusés sexuellement par la star mondiale pendant des années -, elle ne pouvait plus écouter de musiques de Michael Jackson. Elle ne pouvait plus le faire, et elle refusait de le faire. 

En mars dernier, bien qu'accusé de viol par plusieurs femmes, le réalisateur Roman Polanski recevait un César, l'académie des Césars faisant le choix clair de séparer l’œuvre de l'artiste. On s'en souvient, Adèle Haenel avait quitté les lieux de suite, et Virginie Despentes avait publié une tribune au vitriol. 

Wade Robson et James Safechuck
 

On n'en est qu'au début de #MeToo, disait Iris Brey sur Mediapart. Sans doute. Mais que fait-on ensuite ? Une fois que les artistes violeurs et/ou pédophiles sont dénoncés et condamnés, que fait-on de leurs œuvres ? Et comment trie-t-on le bon grain de l'ivraie ? Boycotte-t-on les albums des Jackson 5 des années 70 parce que le chanteur de ce groupe allait plus tard devenir un pédophile ou le boycotte-t-on à partir de son album Thriller ? Et que dit-on à ses enfants : "non, tu n'écouteras pas Michael Jackson parce que c'est un pédophile" ? Ainsi que le dit la sœur de Wade Robson dans "Leaving Neverland", les fans voient l'artiste incroyable qu'était Michael Jackson et de ce fait, ne peuvent admettre que l'homme qu'il était, dans l'intimité, n'était pas un homme bon. Ils refusent de comprendre que ses victimes sont contraintes de vivre avec ça, avec cette image d'un artiste à la créativité débordante alors que eux, ces garçons victimes d'abus de sa part, sont détruits à jamais.

A la fois, un homme lambda accusé d'agressions ou de viols ne sera généralement pas toute sa vie montré du doigt pour avoir fait ce qu'il a fait. Il y aurait en ce sens une forme de double peine pour les personnalités publiques que n'encourent pas les inconnus. Mais c'est cela dit aussi le propre des personnalités publiques que d'accepter cette réalité : leur vie est publique. Faut-il donc boycotter les œuvres des artistes agresseurs et violeurs ? Je n'ai pas de réponse à cette question. Pour ma part, à ce stade, je n'ai toujours vu aucun film de Polanski et je ne peux plus entendre un titre de Noir Désir sans ressentir un truc désagréable... Et vous ?


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