vendredi 15 mars 2019

Virginia Woolf n'avait pas d'enfants

La vie intellectuelle est-elle mise en silence lorsque les enfants pointent le bout de leur nez ? Je devais écrire un livre sur le sujet de ce blog et je n'y suis - à ce stade - pas arrivée. Parce que, enfermée dans ma routine de mère, engluée dans les contingences pratico-logistiques de mon quotidien - la démarche intellectuelle de l'écriture d'un livre est devenue trop compliquée. Ecrire un peu tous les jours, comme c'est le cas avec ce blog, ça fonctionne parce que le fil est décousu, que l'article d'hier n'a rien à voir avec celui de demain et qu'aujourd'hui, je peux encore écrire sur un sujet différent. Mais un livre, ce n'est pas ça : c'est un flot continu, une écriture qui coule. La réflexion et l'écriture se font au long cours mais selon une logique, une démarche intellectuelle compliquée à suivre lorsque la vie routinière s'en mêle. N'est-ce pas la raison pour laquelle les résidences d'écrivains ont la cote ? Leur permettant d'échapper à leurs obligations familiales, leur offrant le privilège de s'enfermer avec leurs idées, loin de la vie quotidienne, loin de leurs familles, de leurs soucis ? 

"Aucune jeune femme aspirant à une carrière littéraire ne devrait ignorer que les femmes écrivains les plus accomplies, des femmes comme Jane Austen, les soeurs Brontë, George Eliot et Virginia Woolf, n'avaient pas d'enfants. Colette, qui écrivait magnifiquement et de façon pénétrante au sujet de sa propre mère, donna naissance à une fille non voulue qu'elle négligea", écrit la romancière Sigrid Nunez dans l'ouvrage collectif "Ils vécurent heureux et n'eurent pas d'enfants".



Dois-je tirer un trait sur mon "grand oeuvre" ? Y a-t-il une fatalité à écarter toute velléité littéraire sous prétexte de sa vie de mère ? Evidemment, les pères qui souhaitent publier des livres se posent moins de questions...

Une femme de mon entourage a abandonné son projet de thèse à mesure qu'elle fondait sa famille. Plusieurs autres cumulent des manuscrits non achevés dans des tiroirs de bureau qu'elles ne publieront peut-être jamais.  La plupart des femmes que je connais qui sont parvenues à publier des livres, ou à tout le moins à aller au bout du processus d'écriture, n'avaient pas d'enfants "au moment des faits". Et c'est au fond la leçon que je tire de "Ils vécurent heureux et n'eurent pas d'enfants" : le parcours des esprits créatifs est d'autant plus parsemé d'embûches, la démarche d'écriture d'autant plus difficile si la personne a des enfants. Les auteures parvenant à se faire publier ne disent-elles pas souvent qu'elles ont accouché d'un beau bébé ? 

Les rayons des librairies regorgent toutefois fort heureusement de très nombreux livres écrits par des mères de famille. Rien n'est jamais définitif, noir ou blanc. Toujours considérer le dégradé de gris, entre ces deux extrêmes. Bernard Werber disait ce matin sur France inter avoir mis douze ans pour écrire Les Fourmis. Tout vient à point à qui sait attendre...


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