Vous souvenez-vous de cette affaire qui avait choqué des millions de personnes il y a quelques années, en Inde : une étudiante avait été violée par plusieurs hommes dans un bus. Cette sinistre histoire avait donné le coup d'envoi du réveil de la population indienne qui depuis, cherche à améliorer le sort des femmes. Et pourtant, dans un film documentaire réalisé en 2013 actuellement visible sur Arte (et en replay jusqu'au 19 novembre ici : arte.tv), David Muntaner montre à quel point le combat de toutes ces femmes est encore long et semé d'embûches. Dans "Le pays qui n'aimait pas les femmes", il donne la parole à plusieurs d'entre elles, évoluant dans des régions différentes du pays. Elles racontent leur quotidien, la maltraitance, leur condition de quasi esclaves, les coups qu'elles reçoivent, les humiliations dont elles sont l'objet...
Un fonctionnaire de police à la retraite fustige un pays où la justice n'existe pas pour les femmes. Un avocat estime qu'aucun foyer indien n'est épargné par la violence domestique. Quoi qu'il arrive, les femmes sont considérées coupables par la société. Qu'une femme ose quitter le foyer conjugal pour dénoncer la violence de son mari et c'est tout le quartier qui la montre du doigt. Peu importe ce que font les maris, qu'ils aient raison ou non, "on est condamnées à les suivre", confie une jeune femme.
Au 21è siècle en Inde, les mariages sont encore très souvent arrangés et les jeunes femmes n'ont pas leur mot à dire. Pire, les familles se plaignent car marier leur fille leur coûte l'équivalent de 15.000 euros. En gros, une fille, ça ne sert à rien et ça coûte cher. Si bien qu'au Rajasthan, on continue de tuer les petites filles à la naissance. Des mères sont encore contraintes d'étouffer leur propre bébé avec du sable. C'est la "tradition". Les guerriers Rajput continuent de penser qu'avoir une fille, c'est tout sauf une chance. Alors, on enterre vivantes les petites filles qui viennent de naître, elles étouffent lentement. Lorsqu'on décide de les garder en vie, on ne leur accorde pas un instant de liberté. Elles ne sont pas éduquées parce que l'on craint que ça ne les rende désobéissantes. Et "si elles deviennent l'égale des hommes, elles ne voudront plus travailler à la maison", estime un Rajput qui ne jure que par la domination masculine.
Suzette Jordan, copie d'écran du documentaire de David Muntaner |
Assassinées, frappées, violées, rendues à une condition d'esclaves, les femmes dérangent toujours en Inde. Les rares femmes qui prennent le risque de choisir une autre vie, de sortir de leur carcan, le font à leurs risques et périls. Ce fut le cas de cette étudiante violée par plusieurs hommes dans le bus, comme ce fut le cas aussi de Suzette Jordan, une femme indépendante et moderne qui, pour avoir accepté de se faire raccompagner chez elle par un homme après une soirée dans un bar, sera violée par lui et ses amis. Elle raconte : "Il a sorti une arme, m'a enfoncé le canon dans la bouche et m'a dit que si je bougeais, il me tuait". Il l'a violée, et ses amis aussi. Après cette agression, Suzette choisit de se battre. Elle dénonce les coupables. Mais aux yeux de tous, c'est elle la coupable : coupable d'être célibataire, d'être sortie dans un bar le soir, "une fille aux mœurs légères, forcément". Une accusation qu'elle n'accepte pas. Elle n'est pas coupable et ne fera pas profil bas. Elle révèle son identité aux médias, répond aux interviews à visage découvert. C'est la première femme indienne à oser briser la loi du silence. Au moment du tournage de ce reportage, Suzette Jordan est en plein procès contre ces agresseurs. Un procès qui durera des mois et des mois. Au printemps 2015, avant l'issue du procès, elle meurt d'une méningite. Elle avait 40 ans.
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