vendredi 14 juillet 2017

"Vous avez couché combien de fois pour réussir ?"

Emprunt à Baptiste Beaulieu, qui publiait il y a un ce témoignage sur son blog, Alors voilà .

"La docteurE.



Alors voilà, je cumule plusieurs tares : j’ai été diplômée de la Faculté de médecine à 24 ans, je suis une femme, je suis blonde. À l’époque, j’avais de longs cheveux blonds, des petites jupes, un air candide.
Cerise sur le gâteau, j’ai choisi de faire la gériatrie. Autant d’années pour soigner des personnes âgées ? Oui, autant.
Ma grosse erreur ? Choisir un métier où tu soignes des gens dont les enfants sont plus âgés que tes propres parents. Dans cette société productiviste, soigner des « vieux » est un choix sans prestige. Mais je soigne des « vieux », voire même souvent des « vieux déments ».
J’ai eu droit à tout le sexisme du monde :
– de la part des patients : Quand est ce qu’on verra un vrai docteur ? Vous pensez pas qu’on va écouter l’avis d’une gamine ? Vous n’êtes pas un peu trop blonde pour être médecin ? Vous avez couché combien de fois pour réussir ?
– de la part des soignants : Tu veux bosser ici ? Ok mais tu prends ta pilule, hein. Tu veux le bip de garde, viens le chercher : il est sur moi et je suis nu dans mon lit. Tu viens prendre ta douche avec moi ? Tu laisses la porte de la chambre de garde ouverte ? Ça va, c’est de l’humour quoi, merde ! T’es pas rigolote !
Puis j’ai vieilli, j’ai coupé mes cheveux courts.
Je suis toujours femme, je suis toujours gériatre, je suis toujours blonde, mais j’ai 37 ans. J’en ai tellement entendu que je regarde les pauvres stagiaires avec pitié (c’est horrible à dire, mais plus jolies vous êtes, pire ce sera). Blindez-vous, les filles, mais surtout, surtout, ne vous laissez pas marcher dessus.
J’ai dû bosser deux fois plus, élever la voix quatre fois plus, en rabrouer des tas. Je ne suis pas un canon de beauté. Juste une femme qui sait qu’elle fait un métier formidable, qui le fait le mieux possible, et qui aime tellement son travail qu’elle marche au-dessus des abrutis sans se faire chier dans les bottes.
Mais parfois… Parfois, je rêve que je suis un homme. Que mon avis est entendu en réunion, que je n’ai pas d’emblée à prouver ma compétence, qu’on ne me demande pas de porter une jupe quand je fais un exposé…
Parfois, je rêve qu’on m’écoute simlement comme la professionnelle que je suis.
Une DocteurE en médecine."



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