Emprunt à Baptiste Beaulieu, qui publiait il y a un ce témoignage sur son blog, Alors voilà .
"La docteurE.
Alors voilà, je cumule plusieurs tares : j’ai été diplômée de la
Faculté de médecine à 24 ans, je suis une femme, je suis blonde. À
l’époque, j’avais de longs cheveux blonds, des petites jupes, un air
candide.
Cerise sur le gâteau, j’ai choisi de faire la gériatrie. Autant d’années pour soigner des personnes âgées ? Oui, autant.
Ma
grosse erreur ? Choisir un métier où tu soignes des gens dont les
enfants sont plus âgés que tes propres parents. Dans cette société
productiviste, soigner des « vieux » est un choix sans prestige. Mais je
soigne des « vieux », voire même souvent des « vieux déments ».
J’ai eu droit à tout le sexisme du monde :
–
de la part des patients : Quand est ce qu’on verra un vrai docteur ?
Vous pensez pas qu’on va écouter l’avis d’une gamine ? Vous n’êtes pas
un peu trop blonde pour être médecin ? Vous avez couché combien de fois
pour réussir ?
– de la part des soignants : Tu veux bosser ici ? Ok
mais tu prends ta pilule, hein. Tu veux le bip de garde, viens le
chercher : il est sur moi et je suis nu dans mon lit. Tu viens prendre
ta douche avec moi ? Tu laisses la porte de la chambre de garde ouverte ?
Ça va, c’est de l’humour quoi, merde ! T’es pas rigolote !
Puis j’ai vieilli, j’ai coupé mes cheveux courts.
Je
suis toujours femme, je suis toujours gériatre, je suis toujours
blonde, mais j’ai 37 ans. J’en ai tellement entendu que je regarde les
pauvres stagiaires avec pitié (c’est horrible à dire, mais plus jolies
vous êtes, pire ce sera). Blindez-vous, les filles, mais surtout,
surtout, ne vous laissez pas marcher dessus.
J’ai dû bosser deux
fois plus, élever la voix quatre fois plus, en rabrouer des tas. Je ne
suis pas un canon de beauté. Juste une femme qui sait qu’elle fait un
métier formidable, qui le fait le mieux possible, et qui aime tellement
son travail qu’elle marche au-dessus des abrutis sans se faire chier
dans les bottes.
Mais parfois… Parfois, je rêve que je suis un
homme. Que mon avis est entendu en réunion, que je n’ai pas d’emblée à
prouver ma compétence, qu’on ne me demande pas de porter une jupe quand
je fais un exposé…
Parfois, je rêve qu’on m’écoute simlement comme la professionnelle que je suis.
Une DocteurE en médecine."
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