Il en a déjà été question dans ces colonnes. Les femmes qui s'expriment dans les médias, sur les réseaux sociaux, celles qui affirment leurs idées et défendent leurs points de vue sont souvent raillées et dans certains cas, harcelées et menacées. Le documentaire diffusé par Arte, #SalePute, livre le témoignage de plusieurs journalistes, youtubeuses, femmes politiques qui racontent pourquoi et comment elles se sont retrouvées menacées. Elles détaillent les mécanismes de harcèlement dont elles ont fait l'objet et expriment très clairement cette idée : on attend d'elles qu'elles se taisent. Des harceleurs viennent en meute les insulter, les menacer de viol, de meurtre. Ils font vaciller la confiance qu'elles pouvaient avoir en elles, ils leur font peur.
Ces personnes-là, explique la journaliste Nadia Daam, ne sont pas de "jeunes puceaux", ce ne sont pas des gosses. Ces harceleurs, c'est monsieur et madame tout le monde. "Ça pouvait être n'importe qui, ça pouvait être mon père", dit Alice Barbe, qui dirige une association d'aide aux migrants et a reçu 360 menaces de mort en l'espace de deux heures. Au fond, dénonce Nadia Daam, la base de ces menaces, c'est la misogynie, "l'intention première, c'est que tu fermes ta gueule". A cet égard, ils ont réussi. La journaliste l'admet : depuis qu'elle a été harcelée, depuis que l'on a menacé sa fille de 13 ans de viol, elle a arrêté ses prises de position, elle fait profil bas.
La journaliste Lauren Bastide explique très bien le mécanisme de ces harceleurs. Selon elle, il y a une certaine tolérance de la société pour ça, comme pour le harcèlement de rue : "c'est le tarif, tu n'avais qu'à pas sortir la nuit. C'est le tarif, tu n'avais qu'à pas avoir d'opinion politique, tu n'avais qu'à pas avoir un métier visible". "Prendre la parole quand tu es une femme, c'est l'enfer", estime-t-elle. D'autant que le principe de la liberté d'expression est continuellement mis en avant pour justifier les discours de haine.
Ces cyber-harceleurs se comporteraient-ils de la même façon si les prises de parole qui les dérangent venaient d'hommes hétéro et blancs ? Assurément non. Ils s'en prennent aux femmes, parce que ce sont des cibles faciles à leurs yeux, parce que déchaîner ses pulsions haineuses en menaçant de viol est d'une simplicité déconcertante. Ils s'en prennent aux femmes parce que selon eux, elles contreviennent à ce que l'on attend d'elles : être soumises et entièrement dévolues à la domesticité, en silence. Ils s'en prennent à elles parce qu'ils ne supportent pas qu'elles s'émancipent et tiennent des discours intelligents. Ils s'en prennent à elles et ça fonctionne : Nadia Daam a perdu sa joie de vivre et cessé ses prises de position tranchées; Lauren Bastide a perdu son émission, "les Savantes", sur France inter. Certaines femmes victimes de cyber-harcèlement ferment leurs comptes sur les réseaux sociaux et se disent silenciées. D'autres tentent encore et toujours de se battre, ainsi la jeune Mila, avec le procès de ses harceleurs, ces jours-ci à Paris. Sous protection policière permanente, elle souligne qu'elle est à nouveau la cible d'un raid de cyber-harcèlement.
#SalePute, un documentaire de Florence Hainaut et Myriam Leroy, à voir ici : www.arte.tv
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire