Cannes : montrer le travail des femmes, et non les femmes

"Au festival de Cannes, Spike Lee présidera un jury majoritairement féminin". Tel est le titre d'un papier publié dans les colonnes du Monde. Je m'interroge : pourquoi ce titre me dérange ? Avant de lire l'article, spontanément, je me dis : s'il est majoritairement féminin, pourquoi ne pas avoir choisi une femme pour le présider, tant qu'à faire ? On a choisi Spike Lee, bon.

 

Et puis je lis l'article, découvre que telle sera la composition du jury : la réalisatrice Mati Diop, la réalisatrice Jessica Hausner, la réalisatrice et actrice Mélanie Laurent, l'actrice et productrice Maggie Gyllenhaal, la chanteuse Mylène Farmer, les acteurs Tahar Rahim et Song Kang-ho et enfin le cinéaste Kleber Mendonça Filho. Ce qui nous donne un président mâle et un jury composé de cinq femmes et de trois hommes. Donc, en tout, cinq femmes et quatre hommes. Voici un casting majoritairement féminin, mais de courte tête toutefois. Pas de quoi renverser les tables. Et pas de quoi, donc, en faire l'information à placer dans le titre du papier. A moins de considérer que la seule particularité de ce jury est d'être en majorité féminin, que la composition du jury n'a aucun autre intérêt...

Mélanie Laurent

 

Avec cette histoire, aussi anecdotique puisse-t-elle sembler, on montre le malaise qu'il y a avec les femmes : on est tout content de dire que l'on a recruté des femmes mais comme si l'intérêt n'était lié qu'à leur genre. Au fond, on laisse sous-entendre qu'elles n'ont pas été choisies pour leurs talents ou leurs compétences, mais parce qu'elles sont des femmes. Pourquoi ne pas expliquer qu'on a choisi Mélanie Laurent pour sa carrière éclectique autant qu'internationale, Mylène Farmer pour son rapport singulier à l'image, etc. N'y avait-il pas d'explications fines à donner de ces choix de jury, plutôt que de simplement dire d'elles : "bah, ce sont des femmes quoi" ? La belle affaire. Oui, ce sont des femmes, mais ce sont surtout des personnalités qui ont des choses à dire sur et dans le cinéma. Elles ont du talent, elles ont de l'expérience, elles sont connues et reconnues. Qu'on les apprécie ou pas, ce n'est pas le propos. Mais leur biographie parle pour elles et elles ne sauraient être réduites à leur genre. 

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