jeudi 6 mai 2021

Vies de femmes, ces parcours du combattant

Fidèle lecteur (lectrice...), souviens-toi : quand j'ai ouvert ce blog, il s'agissait de parler de conciliation vie de famille - vie professionnelle. Il s'agissait de traiter de ce qui fait des choix de vie des femmes un éternel dilemme. Et puis, peu à peu, ma ligne éditoriale a bougé. La dessinatrice Emma a été bien plus efficace que moi au sujet de la charge mentale. Hormis un quart de feuillet dans les colonnes de la Charente libre, mon travail et mes réflexions sur le sujet n'ont pas dépassé le cercle des lecteurs de ce blog. Mais force était de constater que les sujets qui m'avaient tracassée et qui avaient donné lieu à la création de ce blog ne m'étaient pas propres. Nous étions nombreuses à nous poser des questions, à réfléchir à nos vies et à nos conditions de vie.

Puis, la déferlante #MeToo s'est abattue sur le monde entier et avec elle, les cartes ont été rebattues. Si le destin des femmes était continuellement entravé, comprenait-on, c'était non seulement parce qu'elles étaient continuellement tiraillées entre le carcan de la famille et le désir de s’épanouir professionnellement, mais aussi, voire surtout, parce que le monde entier continuait de les percevoir comme des objets sexuels. La moitié masculine de l'humanité continuait de concevoir la moitié féminine comme étant à sa merci, soumise à ses désirs. Je mesurais alors à quel point la conciliation vie de famille - vie professionnelle n'était que la partie émergée de l'iceberg, à quel point l'instinct de survie des femmes primait parfois sur tout le reste.

 

En ce début de 21è siècle, si nous listons tous les dangers et sujets qui rendent la vie des femmes complexe, voire chaotique, il y a de quoi avoir le tournis. De leur naissance à leur mort, les femmes subissent l'excision, la pédophilie, les mariages forcées, l'inceste, le non-accès à l'éducation, la chosification, le viol, l'humiliation. On leur limite ou empêche l'accès à certaines études, à certains métiers. Elles sont moins payées que leurs homologues masculins. On leur coupe la parole. On les dénigre. On les assigne à certaines tâches. On les enferme dans un carcan sexué. On attend d'elles qu'elles écartent les jambes. On attend d'elles qu'elles enfantent mais pas n'importe quand, pas n'importe comment. 

Elles doivent être ambitieuses mais pas trop; de bonnes mères mais pas trop; de bonnes amantes mais pas trop. Elles doivent s'épanouir mais pas trop. Elles doivent se sentir libres mais pas trop. Quand on considère qu'elles outrepassent ce que l'on attend d'elles, alors elles s'exposent à la violence de leur mari jaloux. Qu'elles osent divorcer, porter plainte et il se pourrait bien qu'elles finissent brûlée vive par leur ex-conjoint, comme on vient de le voir avec cette femme assassinée à Mérignac - la 39è femme en France depuis le début de l'année. Pour peu qu'elles aient réussi à avoir une vie sans trop de violences, une vie heureuse, tout n'est pas fini. Quand elles parviendront à la retraite, les femmes auront une pension inférieure à celle de leur mari. Généralement, elles vieilliront seule, car la pyramide des âges étant ce qu'elle est, les hommes meurent toujours globalement plus tôt que les femmes. Elles seront alors aussi une proie. Quoi de plus simple que d'escroquer une femme âgée et fragile ?

On dit des femmes qu'elles sont fortes, que ce sont des battantes. Et pour cause. Les vies des femmes sont des parcours du combattant. A des degrés différents selon les pays que l'on observe, selon le cadre de vie, selon le milieu socioprofessionnel dans lequel elles sont élevées, certes, mais ce sont des parcours de combattant. Les femmes doivent sans cesse être dans la démonstration de ce qu'elles savent faire, de ce dont elles sont capables. On attend d'elles tout et son contraire. Quand se décidera-t-on à les laisser mener la vie qu'elles souhaitent ? A ne pas leur imposer des vues et des vies issues de l'imaginaire patriarcal ?


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