vendredi 7 mai 2021

La faillite de l'Etat dans la protection des femmes

Pourquoi la mort de Chahinez Daoud, brûlée vive par son ex-conjoint à Mérignac, en début de semaine, suscite autant d'émoi ? La mort de cette femme est une abomination, tout comme la mort des 38 autres femmes qui ont péri de la main de leur conjoint ou ex-conjoint depuis le 1er janvier dernier. Comment se fait-il que cette mort-ci soit plus signifiante et plus médiatisée que les précédentes ? 

Ce n'est pas la première fois qu'un homme déjà condamné pour violences contre une femme l'assassine, une fois sorti de prison. Cette histoire-là n'est pas la première du genre. Ce n'est pas un cas isolé. Depuis des années, des associations féministes - au premier rang desquelles Nous Toutes - tiennent les comptes, recensent les féminicides, et hurlent contre l'inaction publique en la matière. La grande cause du quinquennat, les beaux discours de Marlène Schiappa ont fait flop. La parole des femmes, leurs plaintes ne sont globalement pas mieux prises en compte dans les commissariats. On comprend, dans cette affaire, comme dans bien d'autres avant, combien ces hommes violents envers leurs compagnes ne sont pas surveillés comme ils le mériteraient, leur liberté insuffisamment entravée. Comment est-il possible que l'assassin de Chahinez Daoud puisse être en possession d'une arme ? On n'a pas fait grand cas de ce qu'il adviendrait en le libérant, on a sous-estimé cet homme. Chahinez Daoud savait semble-t-il très bien comment cette histoire finirait, elle l'avait dit et les pouvoirs publics ne l'ont pas protégée.

 

Ce que raconte cette histoire, c'est un gâchis monumental. C'est la faillite de l’État dans la protection des femmes. Et si l'on en parle autant cette semaine, ce n'est pas pour l'exemplarité de cette affaire - puisque, martelons-le, avant Chahinez Daoud, 38 autres femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint en moins de 5 mois en France -, c'est parce que l'agenda s'y prête. La campagne pour les élections présidentielles de l'an prochain a bel et bien débuté. Quoi de plus emblématique comme sujet de campagne que celui de la protection de la population ? Et puis, pour parfaire le tableau, l'assassin de Chahinez Daoud porte un nom qui incite les racistes de France à embrayer sur le sujet de l'immigration. Ils évoquent une vision de la femme importée de pays aux mœurs barbares. C'est pratique, ça permet d'oublier que la majorité des féminicides commis en France émanent d'hommes qui ne sont pas issus de l'immigration. On déplace tranquillement le curseur du débat : il ne s'agit plus de parler des violences faites aux femmes et des féminicides, mais de parler de la violence des hommes issus de l'immigration. Consternant. Erreur de diagnostic, comme toujours quand il s'agit des femmes : le problème, ce n'est pas l'immigration. Le problème, c'est le laisser-faire en matière de violences contre les femmes. Le problème, c'est l'absence de volontarisme politique et de moyens pour que la Justice fasse son travail. Plus que jamais, l’État doit prendre la mesure des enjeux et agir en conséquence.


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