jeudi 19 novembre 2020

Affaire Daval : est-ce qu'on brûle le corps d'une femme qu'on aime ?

En juin dernier, un article du Monde* avançait qu'en l'espace de 10 ans, 1400 femmes avaient été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon en France. 1400. 1400 histoires sans doute majoritairement présentées comme des faits divers, des crimes passionnels ou autres visions romanesques qui masquent ou édulcorent la réalité : 1400 hommes ont assassiné leur compagne, ou ex-compagne. 1400 hommes se sont arrogé le droit de décider ce qu'il adviendrait de ces femmes. 1400 hommes ont considéré qu'ils avaient droit de vie ou de mort sur un être humain.

1400 féminicides. Parmi ces histoires, lesquelles retiendra-t-on ? Probablement que sur le haut du panier, l'affaire qui restera dans les mémoires sera celle de Alexia Daval. Mais pourquoi ? Pourquoi cette femme plus qu'une autre ? Qu'est-ce qui fait que cette histoire est tellement plus médiatisée, mise en lumière que les 1399 autres ? En quoi est-elle singulière ?


 

Cette semaine se tient le procès de Jonathann Daval et, au fond, si l'on sait tous reconnaître le visage de Alexia Daval, si son nom est familier à chacun d'entre nous depuis trois ans, c'est bien à cause de Jonathann Daval, parce que, depuis cet automne 2017, il a été le principal acteur de l'histoire. Il nous aura tour à tour tiré les larmes et mis en colère. Parce qu'il s'est posé en victime, qu'il s'est présenté en amoureux effondré, parce que s'il n'avait semble-t-il pas prémédité ce meurtre, il a ensuite fait ce qu'il fallait pour masquer la réalité. Il a menti, des mois durant, il a joué les maris éplorés auprès des parents d'Alexia qui l'ont soutenu autant qu'ils pouvaient, il a pleuré tant et tant devant les caméras. Et, quand enfin il a fini par avouer son crime, il n'a eu de cesse de se chercher de bonnes excuses : Alexia était agressive, Alexia passait son temps à lui faire des reproches, Alexia était autoritaire, Alexia était dominatrice... En gros, s'il n'avait su faire autrement que de la tuer, c'était elle la responsable. Au fond, elle n'avait eu que ce qu'elle méritait. Daval assoit sa défense sur les crises supposées de sa femme. Ce soir-là, elle l'aurait poussé à bout. Alors il l'aurait étranglée. Pendant 4 à 5 minutes, il aurait serré le cou de sa femme entre ses mains. Puis il aurait emmené son corps dans la forêt et y aurait mis le feu. "Est-ce qu'on brûle le corps de celle qu'on aime?", demande Isabelle Fouillot, la mère d'Alexia.

Si l'on admet qu'il n'y avait pas préméditation, que le meurtre d'Alexia résulterait d'un acte inconsidéré, d'un moment de folie - ce qui déjà, serait inexcusable -, ce qui frappe dans cette affaire, c'est la façon dont Daval a agi et réagi dans les mois qui ont suivi : le maquillage du meurtre, les mensonges, la manipulation des autres, les larmes si fréquentes sur le visage de celui qui passait pour un gendre idéal. Jonathann Daval encourt la perpétuité, et c'est probablement ce qu'il aura. En revanche, le défilé des experts médicaux de toutes spécialités au palais de Justice de Vesoul où se tient le procès développe l'idée que l'on a affaire à un homme à la personnalité complexe, mal aimé et peut-être maltraité dans son enfance. Si bien que d'aucuns seront tentés d'excuser son geste, ce qui serait absolument dévastateur : on n'excuse pas le meurtre de sa femme. On n'excuse pas l'assassinat de 1400 femmes.

* Féminicides : mécanique d'un crime annoncé


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