lundi 26 avril 2021

Ce que la télé-réalité fait aux femmes

Vous n'y avez sans doute pas échappé, ces temps-ci, on "fête" un anniversaire assez étrange, avec le recul. Il y a 20 ans, on ne parlait que de cela : l'émission Loft story débarquait sur nos écrans de télé, envahissait nos conversations et perturbait notre quotidien professionnel. Vous en souvenez-vous ? Vous rappelez-vous qu'en plus des émissions de télé - la version quotidienne et la version hebdomadaire, je crois -, il était possible de voir en direct, à tout moment de la journée, ce qui se passait dans le loft, sur internet. Je me souviens qu'au bureau, pendant les heures de travail donc, il nous arrivait d'aller voir ce qui se passait dans le loft. Je travaillais alors dans une petite structure, une toute petite équipe de 5 ou 6 personnes. Je me souviens que cette possibilité technique de voir en continu ce qui se passait dans ce loft nous avait un peu fascinés et que, lorsque cette épopée avait démarré, nous nous étions tous regroupés, patron compris, devant un écran d'ordinateur pour vérifier que c'était possible, que nous allions voir en direct cette vie de jeunes gens filmés H24.

Et puis je me souviens de ces situations malaisantes où le corps des jeunes femmes était sinon dévoilé, au moins fortement suggéré - bien plus que celui des hommes -, je me souviens de la fameuse scène de la piscine... Évidemment, les candidats avaient été castés en fonction de leur "plastique". Évidemment, il fallait que le programme excite le public. Évidemment, le concept même de l'émission était voyeur, et nous tous étions complices de cela. Nous tous regardions cette émission sans égard pour les candidats, que nous ne voyions au fond que comme des acteurs, alors que ce n'est pas ce qu'ils étaient. Et collectivement, nous avons contribué à la destruction de certains d'entre eux qui n'ont plus jamais eu une vie normale après cela. Loana ne s'est jamais remise de cette expérience. Et pour cause. Elle avait cédé aux avances d'un des garçons, nous avions assisté à leurs ébats et évidemment, il était vu comme un séducteur et elle comme une fille facile. Il avait le beau rôle et elle a été mise plus bas que terre. Il mène une vie normale tandis qu'elle se débat toujours avec son image. Vingt ans plus tard, elle continue de subir.

 

Nous étions en plein dans la manifestation sexiste de la société dans laquelle nous évoluions : les femmes n'étaient au fond que des corps dont les hommes pouvaient disposer. La télé-réalité n'était en fin de compte qu'une mise en pâture de jeunes gens désireux de connaître leur quart d'heure de gloire. Les jeunes femmes ayant choisi de tenter cette "aventure" ne s'en sont que rarement remises, tandis que les garçons ont pu construire plus facilement leur vie professionnelle.

Aujourd'hui, de pseudo-émissions de télé-réalité sont encore diffusées mais les temps ont changé et ces jeunes gens comprennent mieux à quoi ils s'exposent. Ils sont bien plus préparés à ce qui les attend. En 2001, le concept était tout neuf. Et s'il passait pour révolutionnaire, il allait briser pas mal de rêves. Le rouleau compresseur des caméras, du voyeurisme et de la chosification des candidates et candidats a été sans pitié. Et nous avons été collectivement complices de cela. Nous avons tous commenté les seins de Loana, les manières de Laure, le sourire de Steevie. Pouvait-il en être autrement ? Existe-t-il un seul pays qui ait rejeté ce programme tellement destructeur pour ceux qui y participaient ? Il y a 20 ans, avions-nous simplement conscience du sexisme ambiant et de notre regard avilissant sur ces jeunes femmes ?


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