Avez-vous vu ou revu Lost in translation hier soir à la télé ? Bill Murray et Scarlett Johansson sont incroyables dans ce film de Sofia Coppola. Lui, en acteur en perte de vitesse, elle en jeune femme récemment mariée et diplômée de philosophie un peu - beaucoup ? - paumée. Leur rencontre, leur duo sont improbables. Ils sont perdus dans cette ville de Tokyo qu'ils ont du mal à comprendre et perdus dans leurs vies respectives. Et puis, il y a ce passage étonnant où ils échangent sur leurs vies, se confient et se questionnent. Ce passage où Bob (Bill Murray) raconte à Charlotte (Scarlett Johansson) que le jour de la naissance de son premier enfant, il a ressenti la plus grande peur de sa vie. Il a compris ce jour-là que désormais, rien ne serait plus jamais comme avant, que sa vie précédente est révolue et qu'il va falloir composer avec ça. Charlotte glisse qu'on ne parle jamais de cette peur-là. Et Bob continue, explique qu'ensuite les enfants grandissent, qu'ils apprennent à parler, à marcher, et "on veut être avec eux" et on comprend que les enfants "sont les êtres les plus merveilleux qu'on ait jamais rencontrés".
C'est vrai que nos enfants sont des merveilles, nos merveilles. C'est vrai aussi qu'à partir du moment où ils arrivent dans nos vies, rien n'est plus pareil. C'est vrai que l'on parle peu voire pas de cette révolution sans retour que ces petits êtres créent dans nos vies. Et jamais on ne prévient les jeunes gens qui expriment un désir d'enfant de ce qui les attend. Pourquoi ne leur parle-t-on pas de cela ? Pourquoi ne décrit-on pas cet avant et cet après ? Craint-on d'effrayer les futurs parents ? Il y a quelques années, une amie me disait : "il y a un temps pour tout et j'en ai bien profité". Elle parlait précisément de cet avant et cet après les bébés. Elle avait le recul nécessaire pour regarder les choses avec sérénité. Mais dans Lost in translation, Bob semble souffrir de cela. Il aime profondément ses enfants mais semble très nostalgique de l'avant. La spontanéité, l'insouciance et la facilité de sa vie d'avant les enfants lui manquent. Il a laissé quelque chose de lui dans cet avant. Il a perdu une part de sa légèreté le jour où son fils est né. Et au fond, nous perdons tous un peu de légèreté dans ces moments-là. Désormais, nous sommes responsables de la vie de quelqu'un d'autre, nous sommes obligés. Et de fait, nous le vivons plus ou moins bien, même si aucun d'entre nous n'y a vraiment été préparé. Et nous nous soumettons à cette responsabilité avec plus ou moins de conscience et plus ou moins d'implication véritable. On est tous plus ou moins Bob.
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