Lorsque j’ai accouché de mon
premier enfant, j’ai réalisé quelle femme enceinte dilettante j’avais été. Je
n’avais pas lu Laurence Pernoud – alors même que l’on m’avait prêté son livre -,
pas plus que je ne m’étais souciée de sujets tels que l’alimentation des bébés,
le rythme de leur croissance, leurs besoins, etc. Je n’avais pas non plus fait
de préparation à l’accouchement. Bien que ma grossesse ait été éprouvante pour
diverses raisons, je n’appréhendais pas l’accouchement. A une amie m’ayant
demandé si j’avais peur, je me souviens avoir répondu : « pourquoi ? Depuis que le monde
est monde, les femmes ont des enfants ». Et j’ai raisonné de la même
façon quand une sage-femme, en salle de travail, m’a demandé si je souhaitais
allaiter mon enfant. Pendant les neuf mois de grossesse, je ne m’étais même pas
posé la question de savoir si je souhaitais ou non l’allaiter. Spontanément,
j’ai pourtant répondu par l’affirmative à la sage-femme, considérant aussi que
depuis que le monde est monde, les femmes allaitent leurs bébés. Je ne me
posais pas de question existentielle, je ne me demandais pas quelle sensation
j’aurais quand bébé s’accrocherait à mon sein, pas plus que je ne me demandais
comment je ferais une fois de retour au bureau, à l’issue du congé maternité. Au
fond, je prenais les choses comme elles venaient, presque naïvement.
Il s’est cependant avéré que
l’allaitement de mon enfant a été un fiasco total. Non, il n’était pas si
évident qu’une femme allaite correctement son enfant. Quand un pédiatre m’a dit
qu’il fallait envisager de passer aux biberons mais que surtout, je ne devais
pas culpabiliser, que j’avais fait ce que je pouvais, j’ai dit : « je ne culpabilise pas, je veux qu’une
solution efficace soit trouvée pour mon bébé, je veux qu’il aille bien ».
J’ai trouvé curieux que ce médecin prenne tant de précautions langagières dans
sa façon de me présenter les choses. Il cherchait à ne pas heurter ma
sensibilité, il prenait des gants quand ce que j’attendais de lui, c’était
qu’il m’aide à ce que mon enfant aille mieux. Ce qu’il a très bien fait
d’ailleurs.
Après coup, j’ai pris la mesure
de sa façon de faire : certaines femmes vivent mal le fait de ne pas être
en mesure de nourrir leur enfant. Parmi elles, certaines le vivent mal parce
qu’elles ont subi l’injonction à allaiter. « Le
sein, c’est sain », vous rebat-on les oreilles. Quand on allaite son
bébé, on le protège, on lui fait passer des anticorps. Du lait en boîte, vous
n’y pensez pas ! Tout le monde a entendu ces phrases-là.
Quand j’ai commencé à donner des
biberons à mon bébé, j’ai tenté de poursuivre l’allaitement en parallèle, sans,
avec le recul, savoir si c’était ce que je voulais vraiment ou si c’est ce que
la « société » m’enjoignait de faire. Mais forcément, moins on
allaite, moins on a de lait et donc moins ça marche. Et du coup on finit par
abandonner. Que n’ai-je entendu autour de moi ! Pourtant mon bébé n’a
pas été plus malade que les autres, il a fait ses nuits dans un délai
raisonnable et dix ans plus tard, il se porte très bien, merci pour lui.
Il existe un lobby étonnant des
mères qui allaitent. Je me souviens d’un rassemblement de femmes donnant le
sein à leurs bébés dans Paris il y a quelques années. J’avais été surprise. Je
ne suis pas anti-allaitement, ce n’est pas ça. Je m’étonne juste de cette façon
de chercher à imposer sa façon de penser sur le sujet à l’ensemble des mères et
des mères en devenir. Pourquoi ne pas laisser les femmes, en conscience,
décider de ce qu’elles veulent faire de leurs seins et de la façon dont elles
entendent nourrir leur progéniture ? Et que dire des sages-femmes qui sont
nombreuses à pousser à la roue pour vous faire allaiter, vous culpabilisant si
vous envisagez de ne pas le faire ?
Ma seconde grossesse s’est passée
différemment. D’abord parce que j’étais moins naïve sur le sujet et ensuite
parce que mes deux collègues de bureau et amies étaient enceintes aussi. On
formait le bureau des ventres ronds. L’une d’entre elles attendait des jumeaux.
Au sujet de l’allaitement, elle nous avait raconté qu’elle n’avait pas
l’intention d’allaiter ses bébés parce que vraiment, elle aurait l’impression
d’être une vache avec un bébé accroché à chaque sein. Elle avait ajouté que la
sage-femme qu’elle voyait cherchait pourtant à la faire changer d’avis, au
motif que lorsque l’on a des jumeaux, l’allaitement fonctionne mieux, la montée
de lait est plus efficace. « Vache à
lait quoi », s’était esclaffée mon amie.
Mais pour des femmes telles que
celle-ci, sûre de son fait, bien décidée à ne pas allaiter ses bébés, combien
d’autres se laissent convaincre et courbent l’échine ? Décidez par
vous-mêmes, mesdames.
Alors c’est sûr, allaiter c’est
pratique : on peut faire ça n’importe où ou presque, on n’a pas besoin de
biberons, de lait en poudre et de bouteilles d’eau, ça ne coûte rien… les
arguments sont nombreux, c’est certain et loin de moi l'idée de les contredire. Il y a toutefois un argument de poids
en faveur des biberons : papa peut nourrir bébé. Mieux, il peut le faire
la nuit. Vous n’êtes pas obligées de vous lever à chaque fois. Papa ou
n’importe quelle personne de votre entourage à qui ça fera plaisir : les
mamies adorent ça, de même que les copines qui n’ont pas d’enfant ou dont les
enfants sont déjà grands, et qui ne boudent pas leur plaisir à pouponner un
peu. Et ça, c’est quand même vraiment cool…
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