lundi 7 septembre 2020

Ne plus mettre en silence les ambitions féminines

Quand un homme parvient à un poste à responsabilité, dans l'entreprise ou en politique - on est d'accord que dans ce cas, il s'agit d'un mandat, pas d'un poste -, qu'advient-il de sa compagne* ? Si l'on regarde, par exemple, les derniers présidents de la République française, on observe un chanteuse qui a mis sa carrière temporairement entre parenthèses, et une journaliste que l'on a volontiers taclée parce qu'elle avait, disait-on, un caractère tonitruant. Et ne parlons même pas de l'épouse du président en place que l'on n'observe que sous le prisme de son âge - versus celui de son mari.

Les femmes, souvent, sont regardées sinon comme le faire-valoir de leur époux/compagnon, au moins comme des personnes qui devront, au moins un temps, la mettre en veilleuse. On attend d'elles qu'elles masquent leurs ambitions et qu'elles ne s'investissent ou ne s'expriment que dès lors que cela servira l'image de leur mari. C'est vrai en politique, et tout autant dans le monde de l'entreprise. Si bien que l'action de ces femmes sera souvent limitée à des sphères humanitaires. On attendra d'elles qu'elles se limitent au monde associatif et dans ce monde-là, qu'elles restreignent autant que possible leurs velléités aux sujets qui ne fâchent pas, qui font consensus. Paix dans le monde et accès à la santé et à l'éducation pour tous, en gros. Lorsque d'aventure elles tentent de sortir de ce carcan, elles ont affaire à un paternalisme bienveillant : "ne vous exposez pas sur ce sujet-là, on vous soupçonnerait de parti pris étant donné la position de votre mari"; "êtes-vous bien préparée au feu des critiques qui vous attendent à la moindre prise de position ?"


Comme si, au fond, à partir du moment où monsieur est sous le feu des projecteurs, les idées de madame devaient être cachées. Comme si l'on partait du principe que son épanouissement à elle n'avait que peu d'importance à partir du moment où lui allait être aux manettes. Comme si on considérait qu'elle ne saurait pas agir sans ternir l'image de son mari. Comme si on ne pouvait accepter l'idée que ces deux ambitions co-existent. Et évidemment, à chaque fois, ce n'est pas l'ambition de monsieur que l'on veut masquer, mais celle de madame.

J'en parle d'autant plus volontiers que je me suis surprise moi-même à avoir de telles idées, il y a quelques jours à peine. Réalisant mon attitude empreinte de paternalisme, j'ai eu honte. Comment pouvais-je, moi qui parle à longueur de temps d'égalité entre les sexes, être prise à ce piège et avoir de telles idées ? Comme tout le monde, j'ai grandi dans un monde paternaliste. Comme tout le monde, j'ai évolué en tant que fille dans un monde dominé par les hommes. Parfois, des relents de cette culture-là continuent de s'exprimer à travers moi. Parfois, moi aussi j'occulte les compétences et talents de certaines femmes parce que cela risquerait de porter ombrage à leur compagnon. J'enrage d'avoir ces idées-là et je constate, ce faisant, que s'il m'arrive encore de me laisser prendre dans les filets du paternalisme, cela doit être le cas de beaucoup d'autres. Décidément, le chemin est long, tellement long.

*Je prends l'exemple d'un couple hétérosexuel mais je suppose que cette réalité est équivalente pour les couples homosexuels.

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