jeudi 23 juillet 2020

Depuis plus d'un siècle, les femmes sont les cibles marketing prioritaires

Au cas où cela vous aurait échappé, c'est la période des soldes en ce moment. Ça tombe bien, Anthony Galluzzo vient de publier un essai sur le sujet : "La fabrique du consommateur - une histoire de la société marchande"*. Le début de la société marchande, c'est pile la période de publication du Au bonheur des dames de Zola. C'est fin XIXè. C'est le début des marques, le début des grands magasins, le début de l'ère "j'achète des articles produits ailleurs". Quand Denise, la protagoniste de Zola, découvre des tissus de toutes sortes, des amoncellements de marchandises mis en scène dans un magasin de plusieurs étages, elle n'en croit pas ses yeux. Elle va travailler dans ce magasin et voir défiler des dizaines et des dizaines de dames dépensières. Car, explique Galluzzo, les femmes sont des cibles prioritaires de la société de consommation, dès ses prémices. Chez Zola, pendant que ces messieurs de la bourgeoisie parisienne travaillent, leurs épouses vont dépenser l'argent du couple dans leur enseigne préférée, Au bonheur des dames. Elles accumulent leurs achats, changent d'avis et demandent à être remboursées, craquent pour cette nouvelle robe avant que les stocks ne soient épuisés... Depuis la fin du XIXè, les femmes sont les cibles marketing par excellence, elles font la mode, elles sont une arme publicitaire de choix. 



Cela fait plus d'un siècle que cette histoire dure et curieusement, alors qu'elles s'emploient en grand nombre à changer leur destin commun, les femmes ne luttent pas contre cela. Elles continuent encore et toujours à s'amasser en grand nombre dans les boutiques, elles continuent à céder aux diktats de la mode et de la société de consommation, elles se fondent dans le moule. Comment se fait-il que les femmes ne se rebellent pas contre cela ? Comment se fait-il qu'elles ne voient pas que ce carcan les empêche ? Comment comprendre, en 2020, qu'il y ait tellement d'enseignes vestimentaires dédiées aux seules femmes quand quelques rares seulement se consacrent aux messieurs ? Qu'est-ce qui justifie cela ? 

Je me souviens d'une conversation il y a une quinzaine d'années avec celui qui est devenu mon mari depuis. Il me demandait pourquoi j'occupais les deux tiers de l'armoire. Il disait ne pas comprendre. Je lui avais répondu qu'il était impensable que je ne change pas entièrement de tenue pour aller travailler chaque jour, que l'on me suspecterait de manque d'hygiène ou autre, alors que lui, étant un homme, personne ne faisait attention à la question de savoir s'il portait le même costume que la veille. Sciemment, j'étais complice de ce que la société attendait de moi. En un sens, je le suis toujours, puisque j'occupe toujours les deux tiers de notre armoire. Mais pourquoi ? A quoi ça sert d'accumuler autant de vêtements ? Et surtout, comment se fait-il que les femmes n'aient pas encore questionné ce sujet ? Pourquoi ne remettent-elles pas en cause, collectivement, les diktats de la mode ?

* La fabrique du consommateur, Anthony Galluzzo, éditions La Découverte

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