mercredi 22 juillet 2020

Darmanin : que n'aurait-on pu s'épargner cette crise ?

Bon. On a un souci. Qu'est-ce qu'on fait avec Darmanin ? Qu'est-ce qu'on fait avec Dupont-Moretti ? Tant qu'on se focalise sur ces deux-là, on court le risque de laisser passer tout le reste, tous les autres. Tant qu'on hurle contre ce "remaniement de la honte" qui crache à la gueule de toutes les femmes ayant subi des violences sexuelles, de la "simple" agression au viol, on ne regarde pas les autres agresseurs. Emmanuel Macron a réglé la question Darmanin "d'homme à homme", pour reprendre son expression. Autrement dit : il a beau être question de femmes dans cette histoire, elles n'ont pas grand-chose à trouver à redire vu qu'au pays du patriarcat, les choses se règlent d'homme à homme. Non mais franchement ? On balaierait d'un revers de main les comportements de "jeune homme" de Darmanin, pour reprendre son expression à lui, qui monnaie son aide à des femmes en détresse contre services rendus d'ordre sexuel ? Admettons que la qualification de viol ne soit pas retenue dans l'affaire Darmanin. Quid de la morale ? Il n'y aurait pas abus de pouvoir, là ? On accepte, en 2020, dans les plus hautes strates de l’État français, de s'adonner à ce genre de pratiques ? Et on nomme l'auteur de ces actes au ministère de l'Intérieur...

Quant à Dupont-Moretti, désormais ministre de la Justice, il ose dire à l'assemblée nationale : "J'estime qu'un homme qui coince une femme dans un couloir, il se tient mal et ce n'est pas un violeur. Ne soyons pas dans l'excès". "Il se tient mal" ! C'est tout ce que cet avocat au verbe habituellement très haut trouve à dire ? Mais que fait-on de ces types-là qui banalisent les violences faites aux femmes et se demandent d'où viennent les chiffres selon lesquels seuls 10% des plaintes pour viol aboutissent à une condamnation ? Ici, il ne s'agit plus de pantins médiatiques façon Zemmour, on parle de deux ministres. Comment peuvent-ils imaginer un seul instant que les femmes vont accepter cela ?



Et à nouveau, on est surpris de la violence verbale qui en découle. Celles qui dénoncent la nomination de ces deux personnalités au gouvernement sont comme de bien entendu qualifiées de furies, d'hystériques, en passant par tout un tas d'insultes fleuries que vous imaginez bien.
Pourtant, les militantes qui souhaitent écarter Darmanin du gouvernement ne se limitent pas à manifester dans les rues des grandes villes. Elles sont à la manœuvre sur le fond. Ainsi, l'organisation Pourvoir féministe, qui se présente comme un "laboratoire d'idées et et d'actions visant à repenser le champ politique selon des angles féministes", vient de déposer plainte contre le ministre de l'Intérieur pour "trafic d'influence passif". Elle propose aussi l'envoi d'un courrier type à la Haute autorité de la transparence de la vie publique pour dénoncer un conflit d'intérêts réel (si vous souhaitez qu'un courrier soit adressé à la HATVP de votre part, ça se passe ici : J'écris à l'autorité). Dans ce courrier, on peut lire ceci : 

"L’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique définit la notion de « conflit d’intérêts » comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».
En l’espèce :
- Qu’il soit coupable ou non, il est de l’intérêt de Monsieur Darmanin que l’enquête dont il fait l’objet n’aboutisse pas et qu’il soit déclaré innocent par la justice.
- L’interférence est matérielle puisqu’en tant que ministre de l’Intérieur, M. Darmanin a autorité sur différents services, parmi lesquels la direction générale de la Police nationale (DGPN).
- L’interférence est suffisamment forte pour soulever des doutes raisonnables quant à la capacité des policières et policiers en charge de l’enquête d’exercer leurs fonctions en toute objectivité et sans subir de pression du ministre ou du reste de leur hiérarchie.
Gérald Darmanin, en signant une lettre de déport par laquelle il s’engage à ne pas s’immiscer dans cette affaire, admet lui même la situation de conflit d’intérêt."
Il y a fort à parier que Gérald Darmanin ne fera pas ses 600 jours au ministère de l'Intérieur, quand bien même 200 élus des Hauts-de-France - parmi lesquels Xavier Bertrand - ont signé une tribune de soutien (voir ici : Nous, élus des Hauts-de-France). A un moment donné, le gouvernement ne pourra plus tenir. Chacun des déplacements, chacune des déclarations ou décisions du ministre sera disséqué, il sera continuellement sous le feu des critiques et de la suspicion. Comment en effet avoir confiance en un ministre si peu soucieux de la morale et de l'éthique ? Nul doute qu'Emmanuel Macron et Jean Castex regrettent leur choix. Que n'auraient-ils pu s'épargner cette crise ? Et nous épargner à nous aussi ce choix ridicule et vide de sens qui nuit, qui plus est, à l'image de notre pays ? Quel choix désastreux ! En l'espèce, peu importe le talent possible de Darmanin au gouvernement, ce qui plane au-dessus de lui, le fait d'être au cœur d'une affaire de mœurs où il est question d'abus de pouvoir ou de position dominante aurait du suffire à écarter cet homme du gouvernement. D'autres ont été évincés pour bien moins que ça...
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