mercredi 8 juillet 2020

Ce que le gouvernement Castex dit aux femmes

Hier, je voulais voir le verre à moitié plein : dans la France de 2020, le gouvernement fait la part belle aux femmes et leur ouvre grand les bras. La France de 2020 voit aussi son premier ministre confier les clés de l'égalité entre les femmes et les hommes à une personnalité qui milite pour la parité et œuvre pour que les femmes aient toute leur place dans les entreprises (lire ou relire : Elisabeth Moreno : la self-made woman qui remplace Marlène Schiappa).

Oui, mais voilà. Dans la France de 2020, le premier ministre confie aussi deux ministères d'importance à deux hommes particuliers. Et cela n'a pas échappé à nombre de représentantes des combats pour les femmes. Ces deux hommes, ce sont Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti. Ainsi, ce matin sur Europe 1, la sénatrice Laurence Rossignol rappelait que Gérald Darmanin, qui vient donc d'être nommé ministre de l'Intérieur, "est mis en cause dans une affaire, dont l'instruction est toujours ouverte, de violences sexuelles". Certes, il est "présumé innocent, mais il est suspect". Certes, le principe de la présomption d'innocence lui avait précédemment permis d'être nommé à Bercy et cela avait déjà ému largement l'opinion - et c'est un euphémisme. Aujourd'hui, il est donc chef de la police. Il apparaît quelque peu curieux de nommer un homme mis en cause à la tête précisément du corps en charge de l'enquête. Et puis, observe encore Laurence Rossignol, "quand il s'agit de malversations financières, ça va très vite pour exclure, évincer les personnalités politiques mises en cause". Dans le cas présent, on continue de dérouler le tapis rouge à Gérald Darmanin. "On en déduit que d'un certain point de vue, les violences sexuelles seraient moins graves que les malversations financières", dénonce la sénatrice.



Quant à Eric Dupond-Moretti, la donne est différente. Il n'est accusé de rien. En revanche, on lui reproche d'être anti-féministe. "Il ne s'est pas caché de dire tout le mal qu'il pense du mouvement #MeToo, de la loi sur l'outrage sexiste, du harcèlement de rue. En fait il appartient à ce courant de pensée qui existe aujourd'hui, c'est le courant "on ne peut plus rien faire, on ne peut plus draguer, on ne peut plus rigoler ni faire des vannes sexistes", décrit Laurence Rossignol. En janvier 2019, c'est aussi cet homme-là qui disait dans les colonnes de GQ : "La starlette qui va voir un producteur célèbre et lui dit « je veux devenir une star », et l’autre lui répond « d’accord, mais tu couches ». Si elle couche, ce n’est pas un viol, c’est une promotion canapé." C'est aussi lui qui qualifie de "follasses" les femmes qui, à la faveur de #MeToo, ont raconté ce qui leur était arrivé. Il est donc évident qu'une telle personnalité au ministère de la Justice est un signe aussi peu enthousiasmant pour les femmes qu'un Darmanin à l'Intérieur.

La féministe Caroline de Haas ne cache pas son effarement. Dans les colonnes de Mediapart, elle écrit : "En nommant à la tête de l’institution censée recueillir les plaintes des femmes victimes, Gérald Darmanin, visé par une enquête pour un crime sexuel, Emmanuel Macron dit aux femmes de se taire. En nommant à la tête de l’institution censée juger les violences sexuelles Eric Dupond-Moretti, qui considère que les femmes « regrettent de ne plus être sifflées dans la rue », le Président nous dit que notre parole ne sera pas prise au sérieux." Elle poursuit : "Comment allons-nous porter plainte alors que le ministre de l’Intérieur est lui-même visé par une plainte pour viol ? Comment allons-nous porter plainte alors que le ministre de la Justice méprise ouvertement les femmes victimes ? Comment penser que nous allons nous sentir en sécurité dans un pays dirigé par des hommes qui banalisent les violences et dévalorisent celles qui luttent au quotidien pour accompagner les victimes ?" Et de conclure: "Le Président de la République vient de nous envoyer un message. Il aurait difficilement pu être plus clair".
Pour mémoire, la grande cause du quinquennat est celle de la lutte contre les violences faites aux femmes. Vraiment ?
Pour Laurence Rossignol, dans les deux années qui viennent, Elisabeth Moreno, désormais en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes, ne devra "pas avoir peur d'affronter ses propres collègues". Bonne chance !




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