vendredi 12 avril 2019

Du mésusage du terme féminisme

Féminisme et conflits d'intérêts... A priori, on ne voit pas le lien. Mais il suffit de s'attarder sur quelques menus exemples pour sentir poindre le truc. Il y a quelques jours, Léa Salamé annonçait se mettre en retrait quelque temps de France inter et de France 2. En cause : la candidature de son cher et tendre, j'ai nommé Raphaël Glucksmann, aux élections européennes. Vent de panique dans les médias : "pourquoi une femme devrait nécessairement s'arrêter de travailler en tant que journaliste parce que son conjoint se présente à une élection?" La réponse est toute simple : conflit d'intérêt. Elle est journaliste politique, il est évident que sa parole est potentiellement contestable si son compagnon se présente à une élection. Ça ne met pas en cause la qualité de sa personne, son professionnalisme ou je ne sais quoi. C'est juste normal ! A l'inverse, il eut été anormal qu'elle demeure à son poste comme si de rien n'était. Un certain nombre de personnes se sont offusquées de son retrait, arguant que c'était un frein aux luttes féministes. Mais c'est quoi le rapport ? Un argument féministe entendable eut été de dire : pourquoi Raphaël Glucksmann ose se présenter à une élection - à laquelle, je ne suis pas devin mais il est peu probable qu'il soit élu - en sachant ce que cela induit pour la carrière professionnelle de sa compagne ? Il aurait pu (du ?) s'abstenir de rentrer dans le débat politique par respect pour le travail et la carrière de Léa Salamé. Là, d'un point de vue féministe, c'était recevable comme questionnement. C'est vrai quoi : de quoi elle aura l'air à interviewer les personnalités politiques dans quelques semaines ? 

Léa Salamé, photo FTV/Nathalie Guyon

Cela étant, on suppose aisément que dans cette affaire, le couple dont il est question a mesuré en son âme et conscience les conséquences de leurs décisions. On peut supposer qu'ils en ont parlé, ont pesé le pour et le contre et pris ces décisions ensemble. Mais pourquoi s'offusquer que Léa Salamé ait fait ce choix ? Sous prétexte qu'elle est une femme, au nom du combat qu'est le féminisme, il aurait fallu la maintenir à son poste ? Quel crédit aurait-on accordé à son travail de journaliste sachant qui partage sa vie ? Evidemment qu'il fallait qu'elle se retire et c'est tout à son honneur de l'avoir fait. Ce sont ceux et celles qui ne procèdent pas ainsi qui sont à blâmer. Et c'est à propos de ceux-là que l'on devrait s'offusquer.

A contrario, on apprend par exemple cette semaine que Raphaëlle Rabatel vient d'être nommée directrice de la communication de la Française des jeux. C'est quoi le rapport, me direz-vous ? Il se trouve que cette femme est l'épouse de Gilles Le Gendre, lui-même chef de file des députés LREM à l'Assemblée nationale. A une période où le Parlement se prononce sur la privatisation de la FDJ, le moins que l'on puisse dire, c'est que la nomination de Raphaëlle Rabatel fait mauvais genre. Là encore, des voix s'élèvent : "Une femme compétente, qui a exercé des postes similaires dans les plus grands groupes, devrait donc refuser ce poste parce qu'elle est mariée à un député président de groupe (politique, ndlr)?", s'écrie par exemple la députée En marche des Yvelines, Aurore Bergé. Ben oui, en fait. Elle devrait. C'est la concomitance des deux événements qui coince. Il y a clairement conflit d'intérêt. En votant la privatisation de la Française des jeux, Gilles Le Gendre sera en quelque sorte juge et partie dans cette affaire. Comment ne pas voir cela ? Si ce poste de directrice de la communication de la Fédération française des jeux est à ce point important pour Raphaëlle Rabatel, alors c'est à son époux de démissionner de son mandat de député. Mais considérer que les deux peuvent poursuivre leur petit bonhomme de chemin comme si de rien n'était, c'est feindre de ne pas voir le conflit d'intérêt qui se pose là. Il est pourtant évident.

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