mercredi 18 juillet 2018

Le féminisme intellectuel de Simone de Beauvoir

Faut-il avoir vécu personnellement, intimement quelque chose pour s'autoriser à en parler ? Assurément, Simone de Beauvoir ne le pense pas. Et c'est la raison pour laquelle elle se serait emparée de la question de la condition féminine et des inégalités entre les sexes, elle qui était une intellectuelle n'ayant pas eu à subir de pressions de la part des hommes. Selon la philosophe Geneviève Fraisse qui consacre à Simone de Beauvoir un ouvrage paru en mai dernier - Le privilège de Simone de Beauvoir -, au fond, si Simone de Beauvoir écrit sur les femmes, c'est pour mieux se connaître elle-même, "se connaître comme être singulier, original".

Mais pour Geneviève Fraisse, la pensée de Simone de Beauvoir a ses limites et l'auteure du Deuxième sexe avait conservé une vision patriarcale de la société. N'écrit-elle pas que "c'est parce qu'elle n'est pas engagée dans l'action que la femme a une place privilégiée dans les domaines de la pensée et de l'art"? Pourquoi la femme ne s'engage-t-elle pas dans l'action, pourquoi ne pas l'envisager ? 



"Pourquoi ne pas imaginer la révolte?", questionne ainsi Geneviève Fraisse. Et de citer Simone de Beauvoir qui écrit : "L'action des femmes n'a jamais été qu'une action symbolique; elles n'ont gagné que ce que les hommes ont bien voulu leur concéder; elles n'ont rien pris, elles ont reçu". Pour Simone de Beauvoir, les femmes n'ont même jamais "cherché à jouer en tant que sexe un rôle dans l'histoire".

Selon Geneviève Fraisse, finalement, si Simone de Beauvoir a cherché à savoir, à comprendre, n'étant ni anthropologue, ni historienne, elle n'a pas élaboré de théorie de l'histoire. Elle a décrit le monde tel qu'elle le voyait, en tant que femme, en cherchant à comprendre, sans toutefois remettre en cause la place des hommes et leur autorité. Et en voyant la place des femmes sous le prisme de la pensée féminine, de l'intelligence féminine mais pas de la décision féminine. Dans l'esprit de Simone de Beauvoir, les grandes décisions, les grandes responsabilités, sont et resteront l'apanage des hommes. Les femmes ne sont pas des "agents de l'histoire". Telle est l'analyse de Geneviève Fraisse qui relativise, au fur et à mesure de son ouvrage, la portée féministe de l'oeuvre de Simone de Beauvoir, dont la vision reste circonscrite aux femmes de son rang, aux femmes privilégiées, celles des domaines "de la pensée et de l'art". Pas vraiment l'ensemble des femmes, donc.

Lire aussi :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire