mardi 10 juillet 2018

"Est-ce un enfant ou un homme que je veux?"

Si je regarde autour de moi, je connais un certain nombre de femmes sans enfants. Depuis que je travaille sur le sujet, j'ai eu beau recueillir des dizaines de témoignages de femmes d'horizons et d'âge divers et variés, très peu sont celles qui, sans enfants, se sont ouvertes à moi. Quant à moi, je peine à questionner celles que je connais. Il est toujours compliqué et destabilisant de demander à quelqu'un pourquoi elle n'a pas d'enfant : est-ce qu'elle n'en veut pas ? Est-ce qu'elle ne peut pas en avoir ? Est-ce qu'elle n'a pas rencontré la "bonne" personne avec qui en avoir ? Il est difficile d'oser cette question sans avoir l'air de juger ladite personne et à tout le moins, sans la mettre mal à l'aise, sommée de se justifier. Dans la norme dans laquelle nous vivons, les trentenaires normalement constitués sont supposés faire des enfants. C'est la pression de la société. Qui n'en a pas est forcément suspect.

Les personnes n'ayant pas d'enfant n'expliquent pas leur situation comme ça, entre la poire et le fromage, spontanément, et on passe donc généralement sous silence ces sujets-là. Ce qui est quand même dingue, quand on y pense. Pourquoi n'aborde-t-on pas spontanément ce sujet-là, sans arrière pensée, sans jugement à l'emporte-pièce ?

Le récit de Myriam Levain - Et toi tu t'y mets quand ?- est en ce sens un témoignage à lire absolument. Cette journaliste qui a fait le choix de congeler ses ovocytes, au cas où, pour ménager ses arrières, raconte par le menu la vie d'une trentenaire française sans enfants, évoluant au milieu de couples avec enfants, comme personne. Elle relate le cheminement de sa réflexion sur le sujet, les recherches qu'elle a menées pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de la reproduction, les processus et protocoles traversés pour aboutir à cette congélation des ovocytes. Avec simplicité et humour.



Elle raconte aussi précisément cela : pourquoi ne parle-t-on pas plus facilement de procréation médicalement assistée, comme si c'était un sujet tabou ? Elle écrit : "Après tout, je n'ai pas échappé au compte rendu détaillé des demandes en mariage, ni à celui des séjours à la maternité, pourquoi est-ce que je ne raconterais pas en quoi consiste une stimulation ovarienne ?" En mettant leurs ovocytes au frais pour pouvoir repousser les limites de l'horloge biologique, ajoute-t-elle, "les femmes se libèrent en partie de la pression qui les oblige à trouver un géniteur - et pourquoi pas le premier venu - pour devenir mères avant qu'il ne soit trop tard".

La psychanalyste Sophie Cadalen lui explique également que "toute femme, arrivée à 35 ans, ne se pose plus vraiment la question de la rencontre amoureuse, mais celle de l'envie d'un enfant". Si elles comprennent qu'elles n'ont pas nécessairement envie d'avoir un enfant, que c'est la pression sociale qui les y pousse, les femmes se trouvent libérées. Mais si c'est une affaire de calendrier : mon horloge biologique tourne mais là, tout de suite, ce n'est pas le moment, je n'ai pas trouvé le compagnon idéal et/ou ma vie professionnelle actuelle ne me permet pas cela, alors la congélation des ovocytes est une réponse à envisager. Pour autant que l'on sache comment s'y prendre et où le faire (étant entendue la frilosité de la France à avancer sur ce sujet).

Myriam Levain - Crédit photo : Félicien Delorme / Flammarion

Aux femmes qui se sentiraient concernées par le sujet, je ne saurai trop conseiller la lecture du livre de Myriam Levain pour les vacances. De même que je la conseille aussi aux autres, aux mères notamment, pour mieux comprendre. "Et toi tu t'y mets quand ?" est un récit utile, un témoignage important qui casse les diktats de la société française de ce début de siècle, et questionne la bien-pensance.

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