mercredi 6 juin 2018

Le droit des femmes à disposer de leur corps en débat

Parmi les engagements d'Emmanuel Macron pendant sa campagne, figurait celui d'une évolution législative en matière d'accès à l'aide médicale à la procréation (AMP). C'est dans ce cadre et dans celui de la révision régulière des lois de bioéthique que le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) a organisé 270 débats et rencontres ces derniers mois et rendu, pas plus tard qu'hier, son rapport de synthèse de cette consultation. En matière d'AMP, il affirme que "la demande d’égalité est prépondérante sachant qu’il n’existe pas de critères légitimes pour juger ou disqualifier le désir d'enfant des femmes célibataires et des couples homosexuels". Etant rappelé le droit des femmes à disposer de leur corps.



Le CCNE relève que se sont exprimées des réserves s'agissant de l'accès à l'AMP aux femmes seules, compte tenu de la difficulté qu'il y a à élever un enfant seul et étant occulté le fait que n'importe quelle femme célibataire sans souci de procréation peut tout à fait faire un enfant si tel est son souhait ardent. Mais, pose le CCNE, "il semblait difficile à certains que l'institution médicale soit garante de ce projet parental".
 
Parmi les opposants à l'AMP pour les femmes seules ou homosexuelles, on trouve évidemment l'argument selon lequel "l’ouverture de l’AMP créerait des inégalités entre les enfants selon qu’ils auront ou non un père". De même que figure cette idée que ce n'est pas parce que des pays européens pratiquent cela que la France doit faire de même.

Curieusement, le rapport de synthèse pointe qu'a peu été évoquée pendant les débats la possibilité d'autoconservation des ovocytes telle qu'elle se pratique par exemple en Espagne. Cette pratique permet aux trentenaires désireuses de repousser leur grossesse de conserver leurs ovocytes par congélation. Une expérience que la journaliste Myriam Levain a connue. Cette femme a en effet fait ce choix : à 35 ans, célibataire et sans enfant, elle s'est rendue en Espagne pour faire congeler ses ovocytes, pour ne pas avoir à prendre le risque de se dire un jour qu'il était trop tard. Peut-être ne décidera-t-elle jamais de faire un enfant mais à tout le moins, elle a assuré ses arrières et s'est ménagé une potentialité de maternité tardive, si la vie le lui permet. Elle raconte cette "aventure" dans "Et toi tu t'y mets quand", paru chez Flammarion il y a quelques semaines.



S'il ne semble pas émaner de consensus clair suite aux consultations de bioéthique, le CCNE relève qu'un distinguo s'opère dans les consciences entre l'AMP à laquelle on accède pour raisons médicales et l'AMP qui relèverait plus du choix de vie des femmes. En d'autres termes, dans le débat tel qu'actuellement posé, les femmes pour lesquelles on envisage l'accès à l'AMP ne sont pas stériles, elles sont simplement soit célibataires, soit homosexuelles. Leur accorder l'accès à l'AMP reviendrait alors à opérer une petite révolution éthique et sociétale. Quoi qu'il en soit, si le législateur devait acter l'ouverture de l'AMP à toutes les femmes, il y a fort à parier que le débat autour des conditions de remboursement par la Sécurité sociale de ces pratiques médicales sera houleux. Une issue qui n'interviendra de toutes façons pas avant mi-2019, selon toutes vraisemblances. En effet, le CCNE va, à partir du rapport rendu hier, rédiger un avis qui devrait être rendu en septembre prochain. Un projet de loi sera ensuite déposé au Parlement à l'automne, lequel devrait voter le texte au cours du premier semestre 2019.

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