Petits enfants, petits soucis, dit l'adage.
A mesure que les enfants grandissent, que se dessine leur avenir, que leurs choix orientent leurs vies entières, comment les parents doivent / peuvent agir ? Le doivent-ils, d'ailleurs ?
"Quand je serai grand, je serai paléontologue". "Quand je serai grande, je marcherai sur la lune". "Quand je serai grande, je serai maîtresse". Quand les enfants sont petits, ils ont des rêves d'avenir plus ou moins farfelus, ou terre-à-terre. Les adultes en rient.
Mais quand vient l'âge des études supérieures, le rire laisse place à l'inquiétude. Attention aux filières universitaires si séduisantes mais sans débouchés. Attention aux ambitions trop démesurées. Attention, attention.
Quand on est parent, on est parfois tenté de mettre ses enfants en garde, pour qu'ils ne reproduisent pas ses propres erreurs. On peut aussi être ambitieux par procuration et espérer qu'ils s'orientent vers la filière que nous n'avons pas su suivre, qu'ils accèdent aux chemins que nous n'avons pas été capables d'emprunter. Et puis l'on peut aussi, parfois, chercher à ce que les enfants reproduisent le modèle familial. "Ma soeur a fait du droit, ma mère a fait du droit, mes grands-parents ont fait du droit, on est très Droit dans la famille", confiait Constance dans un film documentaire de Julie Gavras, "Les bonnes conditions" (diffusé il y a quelques jours sur Arte et accessible sur le replay de la chaine jusqu'au 15 juillet) qui suit sur une quinzaine d'années quelques jeunes du 7è arrondissement de Paris. Alors Constance a fait droit. Enfin, elle a commencé. Et puis elle a arrêté, pour finalement s'orienter dans la communication.
Chez Victoria, c'est à l'avenant : "Ma soeur fait Sciences-po, ma mère a fait Sciences-po, mon père a fait Sciences-po, mes grands-parents aussi. Tout le monde, en fait". Mais Victoria le soutient mordicus, elle ne fera pas Sciences-po. Il lui suffit de regarder la vie de son père pour en être intimement persuadée : "Mon père a un poste très haut placé, très bien payé, très inintéressant. Il bosse
50 heures par semaine mais il s'emmerde, j'ai l'impression". Ce ne sera donc pas Sciences-po. Pourtant, avec sa mention très bien au bac, Victoria s'en serait sortie comme qui rigole. Elle se cherche un peu et finalement, cède à sa passion, l'art lyrique et la mise en scène. Elle raconte : "Mes parents étaient inquiets pour moi, ils pensaient que je n'allais pas y
arriver. Et ils me le disaient, ce qui ne facilitait pas les choses. Ca
m'énervait, j'avais envie de leur prouver que... et en même temps je me
disais : mon dieu, s'ils avaient raison, je suis si fragile". Peu sûre d'elle, Victoria ? C'est rien de le dire. Et pourtant, elle y arrive.
Quant à Marie, la donne est différente. Dans sa famille, tout le monde a également fait de brillantes études. Elle est intelligente mais elle est bohème surtout. L'année du bac, elle raconte : "Ca m'handicape d'être attirée par la musique (...). Pourquoi je ne ferais pas Prépa, quelque chose qui me plait et en même temps qui fasse bonne impression ? (...). Je suis un peu regardée de haut par ma famille". Le comble, c'est encore quand elle explique à ses parents qu'elle sort avec un musicien du métro. Une lycéenne des beaux quartiers parisiens qui s'entiche d'un guitariste sans le sou !... Mais Marie n'est pas en guerre contre un modèle social qui lui pèserait. Ce n'est pas ça. C'est juste qu'elle a envie d'une vie différente des siens, même si, admet-elle, du haut de ses 18 ans, "j'ai envie d'avoir de l'argent pour vivre bien. J'ai pas envie d'avoir peur pour mes fins de mois, de galérer". Douze ans plus tard, Marie n'a pas lâché son rêve. De groupe de musique en série de concerts, aujourd'hui, elle accompagne les chanteuses Louane et Zazie sur scène et sur leurs albums. Elle a collaboré avec Christian Olivier, avec le groupe Debout sur le zinc. Malgré des périodes de vache maigre, avec son seul bac en poche, la demoiselle des beaux quartiers est parvenue au niveau qu'elle convoitait.
Dans les catégories sociales les moins favorisées, accompagner ses enfants dans leurs rêves d'avenir est encore un autre défi, d'envergure évidemment plus conséquente. Quoique la pression ressentie par le jeune adulte est peut-être moins forte. Les jeunes suivis dans ce documentaire de Julie Gavras ont eu à se débattre contre le carcan dans lequel leur famille aisée les avait enfermés. Grosso modo : tu es né avec une cuillère en argent dans la bouche, tu vis dans les beaux quartiers, tu fréquentes un bon lycée, tu dois faire de brillantes études. C'est la pression de la réussite, c'est comme ça. La question du déterminisme social reste très ancrée.
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