Laetitia Casta est partout et elle m'énerve. Pas parce qu'elle est sublime. Pas parce qu'elle a du talent. Pas non plus parce que son homme, talentueux, est plutôt du genre bien sexy. Non, non. Elle m'énerve parce qu'elle est l'anti-moi. Elle pense semble-t-il aux antipodes de ce que je pense.
Et ça s'explique. Facilement. Par là où l'on a grandi, par la famille dans laquelle on a forgé notre personnalité et, singulièrement par notre modèle maternel. Dans une interview à Télérama, la semaine dernière, elle déclare : "Ma mère s'est beaucoup sacrifiée pour mon frère, ma soeur et moi, elle m'a donné l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Cela a compté dans mes choix, dans mon refus d'être corsetée". La mère de l'actrice était mère au foyer. Pas possible de l'envisager pour Laetitia Casta qui organise sa vie avec une toute autre philosophie. Toutefois, elle est la mère de quatre enfants. Mais à sa façon. Elle dit : "Il faut casser ces schémas. Une femme peut faire plein de choses à la fois. Etre une bonne mère, c'est savoir être une mauvaise mère, c'est penser à soi. Les enfants passent par nous, mais ils ne sont pas à nous".
Autant je suis évidemment d'accord sur le fait que les enfants ne sont pas à nous, autant le reste continue de me faire bondir. Mon modèle maternel, c'est celui d'une femme peinant à joindre les deux bouts, sans arrêt en action pour tout combiner - sa vie pro, les enfants, la gestion de la maison - et partant, inaccessible, toujours occupée, absente, stressée, indisponible. Alors, quand j'ai moi-même senti que je pourrais tout à fait être embarquée sur la même pente, une fois mère moi-même, j'ai opéré des choix. Et peu à peu, j'ai cessé de participer au monde professionnel, j'ai écouté mon corps, j'ai levé le pied sur tout et me suis retrouvée mère au foyer, sans l'avoir prémédité. Je bondis quand je lis que ce serait "l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire". Pourquoi ce serait l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire ? Qu'est-ce que c'est cette idée ? Et d'où cela ferait de moi un être "corseté" ?
Laetitia Casta fait le choix d'une vie archi-pleine parce qu'elle refuse son modèle maternel. Je fais le choix d'une vie plus calme parce que je refuse mon modèle maternel. Et avoir fait le choix d'être mère au foyer, pas nécessairement définitivement d'ailleurs, ne fait pas de moi ni nécessairement une bonne mère, ni une personne qui ne penserait pas à elle. Et c'est d'ailleurs bien parce que j'ai le souci de moi, c'est bien parce que je pense à moi que j'ai fait le choix de lever le pied. De ce que je vois, de ce que je lis de Laetitia Casta, elle m'apparait peu à peu comme une injonction personnifiée de la nécessité pour les femmes d'être partout, tout le temps : elle est sublime, continuellement apprêtée, elle a du talent, elle est séduisante, elle a une vie professionnelle fournie, une aisance matérielle et financière certaine, elle a un compagnon brillant, quatre enfants. Elle est le symbole de ce que le monde dans lequel on vit veut faire de nous, les femmes. Elle est Marianne. Et je ne le suis pas. Je n'ai aucune envie de répondre à cette injonction-là. Non je ne serai pas Marianne, je ne guiderai pas la France, je n'embarquerai pas tout le monde dans mon sillage. A aucun moment je ne pourrais considérer que mon bonheur et mon bien-être passent par là. Je ne suis pas corsetée pour autant.
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