Depuis plus de quarante ans, elle danse. Depuis près de trente ans, elle en a fait son métier. Elle ne compte plus les auditions qu'elle a passées, les kilomètres avalés. Les moments de stress, les douleurs musculaires, la discipline, la précision constituent son lot quotidien. Elle en a fait sa vie. Elle s'est battue pour y arriver. Elle a travaillé dur, a organisé le reste de son existence en fonction de cette priorité : danser. Elle est magnifique, le corps modelé par cette existence en mouvements. Elle est passionnée par ce qu'elle fait. Elle n'a jamais imaginé sa vie autrement.
A 48 ans, elle saute encore sur toutes les occasions qui lui sont données de danser, de monter sur scène, de vibrer au son de la musique, sous les projecteurs. Gracieuse, précise dans ses gestes, elle a conscience du regard des petites jeunes qui débutent. Elle sait que ces jeunes femmes la voient comme une vieille, elle les sent la pousser vers la sortie. Elles ne sont pas meilleures qu'elle, elles n'ont pas son expérience, elles n'ont pas encore sa capacité de travail et sa discipline. Et elles ne se doutent pas que dans vingt-cinq ans, à leur tour, elles connaîtront ces regards critiques des nouvelles venues.
Le nombre de contrats diminue, on fait de moins en moins appel à elle. Elle danse encore, et savoure chaque bonheur sur scène. Énergique et dynamique, elle n'a pas dit son dernier mot, n'a pas fait sa dernière pirouette, ni fini de susciter de l'émotion quand vous la regarderez danser. La danse n'a pas d'âge, la beauté du geste est éternelle, la technique ne s'oublie pas. Les débutantes le savent-elles ? La danse ne prend pas sa retraite, pas plus que le talent. A 48 ans, la vitalité de la danseuse est intacte. Sa place est sur scène, n'en déplaise aux adeptes de la théorie de la péremption des corps.
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