Cela vous aura peut-être échappé : hier, une commission a été installée par le président de la République pour travailler et élaborer des propositions, d'ici décembre prochain, autour de la lutte contre le phénomène du complotisme et de la désinformation. J'avoue avoir éclaté de rire en entendant cela. Soyons honnêtes : qui mieux que les hommes et femmes politiques maîtrise le mieux la désinformation ? Faire semblant de vouloir assainir le débat public quand on participe soi-même, à marche forcée, à la montée en puissance des fake news, c'est plutôt fort de café. Ce sont eux, les politiques de tout crin, qui ont lancé la mode. Ce sont eux qui montent en épingle n'importe quelle bribe de propos entendu dans la bouche de leurs adversaires. Ce sont eux les principaux pourvoyeurs de boulot des services de fact-checking des médias. Dans leur passion incontrôlée de la rhétorique et du pouvoir, ils et elles passent leur temps à parler sans réfléchir, ajoutant des inepties aux inepties. Cela permet d'avoir le dernier mot, cela permet de faire le buzz, d'attirer l'attention sur soi. "Plus c'est gros, plus ça passe" est devenu leur devise partagée.
Le sociologue Gérald Bronner, à la tête de cette commission, osera-t-il pointer du doigt la responsabilité collective des personnalités politiques sur ce sujet ? Certains sont d'ailleurs plus coutumiers du fait que d'autres. Ainsi, l'inénarrable Marlène Schiappa, sur la seule journée d'hier, a trouvé le moyen d'être pointée du doigt deux fois par France info. Hier, elle déclarait donc que dans les pays anglo-saxons, on est "obligé d'expliquer quelle est sa religion et de la déclarer publiquement". Faux. Au Royaume-Uni, on vous demande régulièrement dans des documents administratifs quelle est votre origine ou votre religion mais vous pouvez tout à fait ne pas répondre. Aux États-Unis, on ne vous demande rien. Mensonge donc, de la part de la ministre en charge de la Citoyenneté.
Plus incroyable encore, cette envolée lyrique de cette même Marlène Schiappa, hier toujours donc, à l'encontre de Sandrine Rousseau suite à la sortie de cette dernière sur les hommes déconstruits. Marlène Schiappa interprète l'idée de Sandrine Rousseau à sa sauce, la caricature à l'envi, jusqu'à délirer sur "des supporters de l'OM qui sont des gros barbus et qui s'occupent très bien de leurs enfants" et "des intellectuels féministes de gauche qui frappent leur femme"... Bonjour les sous-entendus et les clichés ! Je vous conseille d'écouter cette petite chronique de déconstruction du discours par Clément Viktorovitch : ici.
Que le même jour, Emmanuel Macron installe cette commission anti-complots et que Marlène Schiappa, son plus fervent soutien, se montre coupable de désinformation à deux reprises est hautement risible et assez symptomatique du monde dans lequel on vit : l'éloquence prime sur la vérité, l'agressivité prime sur l'honnêteté intellectuelle, le buzz prime sur le savoir-être. Il n'est plus question d'être sincère, il est question d'occuper l'espace. Comment s'étonner de cette puissance du complotisme et des fake news ?
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