vendredi 5 février 2021

35 ans pour ouvrir les yeux

Combien de femmes ont une conscience accrue de leur sort ? Quand devient-on féministe et pourquoi ? Si je compare la femme que je suis aujourd'hui avec la jeune femme que j'étais il y a vingt ans, je mesure le chemin parcouru en la matière. J'ai traversé mon enfance, mon adolescence et mes premières années en tant qu'adulte sans mesurer combien le monde était injuste envers les femmes. Je ne voyais absolument pas l'ampleur des embûches qui se présentent dans les parcours féminins. Ce n'était pas mon combat, je ne me rendais absolument pas compte de ces réalités. J'étais plus consciente des efforts que je devais faire dans ma vie quotidienne du fait de mon origine sociale que du fait de mon genre. J'étais en colère de devoir travailler pour payer mes études quand tant de mes "camarades" d'amphi se la coulaient douce chez papa-maman. J'étais révoltée de les sentir si insouciants et sereins quand j'étais inquiète de savoir si je pourrai remplir mon frigo. Mais je ne faisais pas de distinguo entre les filles et les garçons.

Quand j'ai commencé ma vie professionnelle - après les études et jobs étudiants -, je n'ai pas non plus compris que j'étais moins payée que les hommes, je n'ai pas cillé quand on m'a demandé pendant des entretiens d'embauche, si j'avais un homme dans ma vie ou si j'avais l'intention d'avoir des enfants. Ça ne me faisait ni chaud ni froid. En fait, je n'ai réalisé ma condition de femme qu'à partir du moment où j'ai cessé de travailler, à la naissance de mon troisième enfant. J'étais épuisée d'avoir tout cumulé, depuis tant d'années. Et alors seulement, j'ai ouvert les yeux sur ce que j'avais subi et sur le monde qui m'entourait. J'avais 35 ans. J'ai mis 35 ans pour ouvrir les yeux. 

(c) Collages Féminicides Paris, 4 février 2021
 

Depuis lors, il ne se passe plus une journée sans que je pense à cela, aux injustices dont sont victimes les femmes, aux parcours de combattantes dans lesquels elles sont engagées, aux combats qu'elles doivent mener sans cesse. Je trouve insupportables les discours masculinistes dont on nous abreuve. Je suis en colère qu'il faille que les femmes prouvent continuellement leur valeur quand les hommes n'ont qu'à se vanter d'être les meilleurs pour qu'on les croit. Je suis abasourdie qu'ils aient toujours continuellement la parole sur tout, y compris sur les sujets qu'ils ne maîtrisent pas. J'hallucine que les femmes soient toujours montrées comme des objets sexuels, des jouets pour ces messieurs. Je suis convaincue qu'il pourrait en être autrement. Je salue l'intelligence des féministes de ce début de siècle qui militent continuellement et avancent pied à pied pour qu'advienne l'égalité. Elles sont de plus en plus nombreuses, elles sont volontaires, elles y arriveront.


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