mardi 13 octobre 2020

Inceste : le silence et la peur en héritage

Cela a duré quelques heures. Quelques heures de nœuds dans la gorge, de furieuse émotion, de colère, d'envie de crier, de gueuler "putain mais c'est pas vrai", de me dire que depuis plus de quarante ans, je suis passée à côté de ça, que des gens vivaient ça sans que je le sache, sans que je puisse les aider, dénoncer... quelques heures d'écoute d'un violent, brillant, et essentiel podcast de chez Louie media. Ou peut-être une nuit se décompose en six épisodes. De toutes façons, vous ne pourriez pas écouter tout d'une traite, tant c'est puissant, tant c'est dur. 

Il y est question de violences, de filles et de femmes* réduites au silence, d'histoires de famille tues, de cauchemars bien réels. Il y est question d'inceste. La journaliste Charlotte Pudlowski raconte l'histoire de sa mère, abusée quand elle était enfant par son père. Elle élargit le trait, cherche des chiffres sur la réalité de l'inceste en France, fait parler des spécialistes de la question, des victimes et se demande : qui sont les deux ou trois enfants avec qui elle était en classe en CM2 qui étaient victimes d'inceste ? Parce que oui, c'est de cela qu'il s'agit : en moyenne, en classe de CM2, deux à trois enfants en sont victimes. Qui, dans la classe où j'étais il y a trente ans, pouvait être victime de son père, de son frère, de son oncle ou de son grand-père ? Qui, dans les classes de mes enfants aujourd'hui ?


 

En matière d'incestes, la donne est encore plus compliquée que pour les viols : les enfants sont sous l'emprise de l'adulte qui a de l'autorité sur eux, ils ne disent rien. Ils subissent, parfois pendant toute leur enfance, cette violence abominable. Et comme le décrit si bien Charlotte Pudlowski, ce silence est lourd de conséquence : si personne ne parle, les victimes "ne peuvent pas se reconnaître, s'aider, s'unir". Elles se sentent seules, sans appui. Elles ne peuvent rien dire, et progressivement, leur vie est détruite.

A l'écoute de ce podcast, on se dit, rassuré, que la mère de la journaliste s'en est bien sortie : elle semble heureuse, elle rit beaucoup, elle est mariée, elle a trois enfants, leur vie de famille est harmonieuse. Elle dit que maintenant, elle a refermé la page de cette histoire, que pour elle c'est terminé. Oui mais voilà, on comprend aussi qu'elle a transmis à ses filles, inconsciemment, la peur des hommes. Charlotte Pudlowski raconte qu'elle a échangé son premier baiser avec un garçon en boite de nuit et que ça la rassurait que ça se passe en public. Elle explique qu'elle a grandi dans la peur des hommes. Sa mère reconnaît qu'elle était inquiète quand il y avait un homme dans la même pièce que l'une de ses filles.

Charlotte Pudlowski dit avoir travaillé près de deux ans sur cette enquête et le résultat est absolument remarquable. Remarquable, et édifiant ! Si vous ne devez écouter qu'un seul podcast d'ici la fin de cette année, que ce soit celui-là.

*Bien entendu, on n'oublie pas les jeunes garçons abusés et violés eux aussi.

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