lundi 12 octobre 2020

En finir avec le système de la domination masculine

On n'a jamais autant parlé d'elle que depuis cet été, quand elle a mené la fronde anti Christophe Girard à la mairie de Paris. Alice Coffin, pour certains, c'est celle par qui le scandale arrive. Et pourtant, si l'on s'attarde sur ce qu'elle dit, qu'est-ce qui justifie le lynchage en règle dont elle fait l'objet depuis des mois ? 

Alice Coffin, photo AFP

En ce qui me concerne, je ne l'avais pas vue venir et parce que je ne comprenais pas cette violence dont elle fait l'objet, je me suis penchée sur son cas. Elle est quadra, comme moi, journaliste, comme moi, féministe, comme quoi. Jusque-là, rien d'extraordinaire. Elle est aussi, depuis cette année, élue EELV au conseil de Paris. Dès le printemps dernier, elle s'est opposée à la nomination de Christophe Girard à la mairie de Paris. D'abord en sourdine, puis en manifestant carrément à l'hôtel de ville. La proximité entre Girard et Matzneff avait été prouvée, Alice Coffin ne pouvait comprendre que la confiance en Girard soit renouvelée. De fait, aujourd'hui, on le sait, Alice Coffin avait raison, Christophe Girard est visé par des accusations d'abus sexuel, à quoi pourraient s'ajouter d'autres casseroles de type harcèlement moral, etc. Pourtant, la militante Alice Coffin depuis l'été se voyait qualifier d'hystérique, de féminazie et autres joyeusetés, alors que son combat était juste. Il était fautif, elle ne l'était pas et c'est pourtant elle que l'on insultait.

De même, elle vient de publier "Le génie lesbien" chez Grasset et là encore, des tombereaux d'insultes pleuvent. Les hommes, de manière générale, dénoncent son radicalisme. Elle s'en amuse, remarque que les hommes ont toujours l'impression qu'elle s'adresse à eux personnellement dans son livre, comme s'ils se sentaient intimement menacés par ce qu'elle écrit. Il est vrai que, de manière fréquente lorsqu'on traite de féminisme et que l'on dénonce certains comportements masculins, il se trouve un homme pour dire : "pas moi, je ne suis pas comme ça". Un peu du même niveau que Nadine Moreno qui se défend d'être raciste en disant : "d'ailleurs j'ai une très bonne amie qui est noire".

Ce que fait Alice Coffin, c'est dénoncer ce qu'elle appelle "le système de la domination masculine", ce type de comportements induit par la façon dont on élève les garçons, dont on glorifie la masculinité depuis toujours et qui nuit aux femmes. Ce qu'elle dit, c'est que l'on a donné un blanc-seing aux hommes pour qu'ils exercent de la violence sur les femmes. Elle milite contre cela. Elle s'insurge et entend se rebeller avec les armes dont elle dispose : elle décrète que désormais elle ne lira que des autrices. Depuis toujours, on enseigne la littérature en ne donnant à lire que des hommes. C'en est assez. Selon elle, "il y a eu une élimination systématique" des œuvres de femmes. "C'est une confiscation d'imaginaire". 

Lorsqu'Alice Coffin tient ce langage, on l'accuse de vouloir déclarer la guerre aux hommes, de vouloir instaurer des clivages, créer des dissensions. C'est quand même incroyable : depuis des siècles, le monde est pensé par et pour les hommes, invisibilisant les femmes, sans que celles-ci ne puissent réagir et lorsque, en 2020, il s'en trouve pour hausser le ton et dire qu'elles n'entendent pas être réduites au silence, on les juge radicales. Et Alice Coffin de s'interroger : comment se fait-il que depuis des siècles, une population - les femmes - se fait cogner dessus dans tous les sens du terme par une autre population - les hommes - et qu'il n'y a pas riposte ? Pourquoi les femmes se tairaient-elles ?

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