mardi 17 mai 2022

Les polytechniciens aussi jouent au poker

Depuis l'annonce de l'arrivée d'Elisabeth Borne à Matignon hier, j'ai été traversée par plusieurs façons de voir la nouvelle :

- cool, une femme à Matignon ! Enfin !

- elle est la première Première ministre (=> Edith Cresson était madame LE premier ministre)

- lors de sa première prise de parole, Elisabeth Borne dédie sa nomination à toutes les petites filles à qui elle s'adresse ainsi : "allez au bout de vos rêves".  

Tout cela est bien joli, oui, mais :

- comment se fait-il que l'on en soit encore à considérer comme un évènement le fait qu'une femme soit nommée à Matignon ? Pourquoi faut-il encore s'en étonner et s'en féliciter en 2022 ? 

- Va-t-elle morfler plus qu'un homme ? S'en prendra-t-on à elle de façon plus virulente au prétexte qu'elle est une femme ? C'est vraisemblable.

- Ne sert-elle que de caution féministe à Emmanuel Macron ?

- Et puis surtout, dans quelques semaines, ce sont les élections législatives. D'ordinaire, une fois les parlementaires élus, il n'est pas rare que le locataire de l'Elysée change de gouvernement. Autrement dit, Matignon n'est-il qu'un strapontin qu'Elisabeth Borne n'occupera que quelques semaines ? N'assurerait-elle qu'un intérim, au fond ? Ne serait-elle là que pour faire le lien entre un Jean Castex exténué et un prochain Premier ministre dont la couleur politique dépendra du résultat des élections à venir ? Dans ce contexte, elle me rappelle l'échec à l'élection présidentielle du mois dernier de Valérie Pécresse et Anne Hidalgo et de cette hypothèse d'alors : "on les aurait laissées porter l'étendard de leurs partis pour cette élection, alors que l'on savait pertinemment que les chances de l'emporter étaient infimes" (lire ou relire : La responsable était une femme).

Il se murmure que plusieurs personnalités auraient décliné l'offre d'Emmanuel Macron d'occuper Matignon. Je formule l'éventualité que si ce bruit de couloir est juste, il se peut fortement que les personnes approchées par le président de la République ont refusé d'être Premier ministre parce qu'elles ne voudraient pas courir le risque de sauter dans un mois. Elisabeth Borne a accepté de courir ce risque. Pourquoi ? Est-ce un pari sur l'avenir de sa part ? Un coup de poker ? N'ayant à ce stade jamais été élue nulle part, elle se dit peut-être que même si elle est écartée le mois prochain de Matignon, au moins cela aura servi à la populariser, à la faire mieux connaître et ce faisant, cela servira son avenir politique ?

Elisabeth Borne a donc devant elle un mois pour convaincre et ce, alors que compte tenu du calendrier, elle ne va guère pouvoir faire ses preuves, guère l'occasion d'avancer ses pions de façon décisive pour son avenir. Néanmoins, si le parti politique présidentiel remporte une majorité de suffrages aux élections législatives, la Première ministre conserve ses chances de rester plus longtemps à Matignon.

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