jeudi 10 mars 2022

Vous reprendrez bien un peu de grande cause ?

L'espace d'un instant, je me suis demandé si on était le 1er avril. Vérification faite, nous sommes bien en mars. Je relis la phrase qui m'avait accroché l'oeil pour être sûre d'avoir bien compris. Pas de doute. J'ai beau écarquiller les yeux, j'avais bien lu et bien compris. Emmanuel Macron a bien annoncé que, s'il est réélu, la grande cause du quinquennat qui débutera dans quelques semaines sera l'égalité femmes-hommes. Incroyable.

Aux enfants qui échouent, on martèle qu'il faut persévérer. Est-ce que ça s'applique aux présidents de la République ? Je me pose très sérieusement la question. Quand une grande cause annoncée avec force tambours et trompettes ne représente que 0,25% du budget de l'Etat - à de multiples reprises, des représentants du gouvernement ont répété que le budget alloué à l'égalité femmes-hommes avait doublé, mais peau de chagrin x 2, ça reste peau de chagrin -, quand l'égalité professionnelle reste un chantier à peine entamé - certes, un index de l'égalité professionnelle a été créé mais force est de constater qu'il s'agit d'un leurre dont les modalités ne font que masquer les faits -, quand les dispositifs de protection des femmes victimes de violences conjugales ne concernent que 2% de ces femmes, quand une femme est morte sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint tous les trois jours durant les 5 dernières années, quand une seule semaine de congé paternité est obligatoire, quand le nombre de structures de garde d'enfants reste largement insuffisant - 30.000 places de crêches devaient être ouvertes durant le quinquennat qui s'achève, on en est à moins de la moitié -, quand l'allongement du délai pour l'IVG est à mettre uniquement au crédit des parlementaires qui ont oeuvré sans l'appui du gouvernement ni du chef de l'Etat, comment ne pas parler d'échec ?

 

Capture d'écran LCI-Elle, 7 mars 2022
 

Alors, c'est sûr, on se félicitera de ce que les sujets sont sur la table. On ne les glisse plus sous le tapis. On en parle. Plus personne ou presque n'ose estimer qu'il n'y a pas de problème. Et cela n'a d'ailleurs pas à voir avec la grande cause 2017-2022, mais bien plus avec une prise de conscience dans la majorité des pays occidentaux, de l'importance de ces sujets. Cependant, ces cinq années écoulées auraient du permettre la mise en place de réelles avancées, tangibles et visibles. Pour parvenir à une égalité entre les femmes et les hommes, on n'a pas besoin de numéros verts - harcèlement, violences conjugales et tutti quanti -, on n'a pas besoin de déclarations la main sur le coeur, on n'a pas besoin de secrétaire d'Etat ou de ministre déléguée pasionaria. On a besoin de femmes et d'hommes de terrain qui maîtrisent leur sujet, de moyens, on a besoin que les professionnels impliqués de près ou de loin soient formés correctement, des DRH aux policiers en passant par les représentants politiques, les enseignants, les professionnels de santé... Et on a besoin que celui qui se voit déjà occupant un second mandat en tant que président de la République arrête de se cacher derrière son petit doigt. Ainsi, en début de semaine, lors de son premier déplacement en tant que candidat, questionné sur les ministres ou ex-ministres accusés de violences sexuelles, il a osé déclarer : "ces ministres n'ont jamais eu ces comportements devant moi". Encore heureux, j'ai envie de dire. De la même manière que l'on peut supposer que Alexandre Benalla n'a jamais du dégaîner une arme devant lui ou frapper quelqu'un devant lui. Ca ne fait pas pour autant d'eux des lapins de six semaines, ça ne les dédouane pas. On pourrait être tenté de d'accorder à Emmanuel Macron un esprit de loyauté envers ses amis - une qualité pas si fréquente en politique, reconnaissons-le - mais dans ce cas, qu'il cesse de se prétendre féministe et arrête cette mascarade selon laquelle l'égalité femme-homme serait au coeur de ses préoccupations. Il s'en tamponne comme de sa première chemise. Et parmi les 12 candidats à la présidence, ils sont d'ailleurs nombreux dans ce cas-là. Cessons l'hypocrisie sur ce sujet.


Pour approfondir le sujet, je ne saurai trop vous recommander de parcourir ce rapport signé Oxfam France - Equipop - Care France - Fondation des femmes - Planning familial - ONE France : Egalité femmes - hommes Grance cause, petit bilan


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