jeudi 30 juillet 2020

Combats féministes : entre pulsions de haine et vivre ensemble

Une polémique chasse l'autre. En 2020, on le sait plus que jamais. Et on n'est sans doute pas au bout de nos surprises. Il y a 24 heures, je découvrais stupéfaite une tribune signée de la main de Mazarine Pingeot dans les colonnes du Monde (lire ici : Ce mortel ennui qui me vient...). L'auteure de "Se taire", roman qui raconte un viol et ses conséquences dans la vie d'une jeune femme issue d'une famille renommée, avait, lors de la promotion de son livre, appelé à briser le silence, elle encourageait les femmes victimes de viol à s'exprimer.

Et pourtant, dans les colonnes du Monde, elle dénonce désormais celles qu'elle nomme les "extrémistes de la médiocrité". Elle parle de ce "mortel ennui qui (lui) vient devant une certaine jeunesse sans désir mais pleine de colère". Elle s'en prend aux "contempteurs de la domination masculine, blanche et occidentale, qui ont comme seul projet de renverser la domination, non pour un monde plus égal et construit sur un autre paradigme, mais bien pour se substituer une domination à une autre".

A la lecture de ce texte, je me suis sentie trahie. Comment pouvait-elle écrire ces mots, comment pouvait-elle juger ainsi les femmes militantes qui avancent pied à pied pour que le société bouge ? Comment pouvait-elle user de sa facile possibilité de voir ses mots publiés dans les colonnes du Monde pour écraser les féministes ? Et pourquoi ?

Mazarine Pingeot
Mazarine Pingeot


En creusant un peu, j'ai appris que Mazarine Pingeot est une proche de Christophe Girard, cet élu de la mairie de Paris poussé il y a quelques jours à la démission, sous la pression d'élus écologistes et militants féministes. Pour celles et ceux qui n'auraient pas suivi cette affaire, il se trouve que dans les années 1980, Christophe Girard était secrétaire général de la maison Yves Saint-Laurent, entreprise qui était alors mécène de certains auteurs, dont Gabriel Matzneff, contre qui une enquête pour viols sur mineurs est ouverte. On reproche aujourd'hui donc à Christophe Girard ses amitiés nauséabondes avec Matzneff. En février dernier, une enquête journalistique publiée dans le New-York Times évoquait Christophe Girard (lire ici : Un écrivain pédophile - et l'élite française - sur le banc des accusés). Extrait :
"M. Matzneff explique que les factures de ce dernier étaient réglées par Yves Saint Laurent, le couturier décédé en 2008, par l’entremise d’un de ses collaborateurs proches, Christophe Girard. L’arrangement lui avait permis de se remettre d’une opération de l’œil, et d’ « échapper aux visites de la Brigades des mineurs (qu’il appelle des “persécutions”), » écrit Mme. Springora.
M. Matzneff se rappelle de M. Girard lui disant, « Nous nous occupons de tout, les repas, tout. » Il précise: «et ça a duré je crois, deux ans, à peu près. »
« Pour nous, c’est une goutte d’eau, ce n’est rien, nous vous aimons beaucoup, » lui avait dit M. Girard, toujours d’après M. Matzneff. M. Girard a refusé de nous accorder un entretien pour cet article.

Évidemment, c'est la vision de l'histoire de Gabriel Matzneff, pas celle de Christophe Girard. Ce dernier pouvait-il ne pas savoir les liens qui unissaient Matzneff et Vanessa Springora ? Ou bien était-il de ceux, nombreux, qui faisaient mine de ne pas savoir ?

Connaissant désormais les liens entre Mazarine Pingeot et Christophe Girard, je ne peux m'empêcher, en lisant sa tribune du Monde, de supposer qu'elle essaie de lui venir en aide, qu'elle fustige les femmes qui s'en prennent à lui. Quand elle parle de la

Faut-il défendre Christophe Girard ? Ou ne faut-il pas regarder du côté de ceux qui, comme lui, n'ont rien dit ? Quid des Beigbeder, quid des éditions Gallimard ? Pourquoi Girard serait-il plus attaqué qu'eux ?

Christophe Girard

Par ailleurs, sur la manière dont le féminisme mène ses combats, Mazarine Pingeot a-t-elle totalement tort ? Quand elle écrit :

Cette tribune de Mazarine Pingeot a heurté, agacé, parce qu'elle est malvenue, un tantinet méprisante, et que son auteure se place dans une posture presque réactionnaire, hyper maladroite. Il aurait mieux valu qu'elle ne publie rien, toute amie de Christophe Girard qu'elle soit. Il aurait mieux valu cela car elle s'attire des foudres guère enviables. Stupéfaite j'ai été à la lecture de cette tribune, et tout autant en lisant les commentaires publiés ça et là sur son auteure.


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