Sur le marché du travail, les femmes cumulent les difficultés : elles peinent à gravir les échelons, à être promue et elles ont aussi du mal à être rétribuées à la hauteur de leurs compétences. Cette double peine des femmes est liée à plusieurs facteurs : d'abord, la modestie et la discrétion que l'on inculque aux filles dès leur plus jeune âge versus l'assurance et l'ambition que les petits garçons se doivent de développer. Ensuite, l'empathie et le don de soi, deux caractéristiques que l'on suppose inhérentes au sexe féminin. Découle de cette éducation généralisée une réalité consternante : "Un homme accepte un poste s'il estime avoir 50% des compétences. Il en faut 80% à une femme pour qu'elle ose se lancer".
Dans son "Petit traité contre le sexisme ordinaire" publié chez Albin Michel en 2009, l'inspectrice générale des affaires sociales (l'Igas est une agence publique interministérielle travaillant dans le secteur social, ndlr) Brigitte Grésy affirme qu'un homme "est jugé a priori compétent jusqu'à ce qu'il fasse la preuve de son
incompétence, alors qu'une femme est jugée incompétente jusqu'à ce
qu'elle fasse la preuve de sa compétence".
La logique sera la même s'agissant du salaire féminin. Selon Brigitte Grésy, "à force d'effectuer du travail non rémunéré dans la sphère familiale, à
force d'être dans le don, dans le dévouement pour les enfants et les
personnes âgées dépendantes, elles ne savent pas ou répugnent à monnayer
leur travail, à évaluer financièrement leur valeur. Elles s'imaginent
que leur valeur professionnelle saute aux yeux et sera rétribuée à son
juste prix, comme par magie". J'abonde dans son sens. Il me semble par exemple que nous avons du mal à demander des augmentations. Pour contourner cette difficulté, il y a une quinzaine d'années, je m'étais pour ma part fixée, à chaque date anniversaire de mon embauche, de solliciter un rendez-vous avec mon patron. C'était devenu tacite entre nous. Nous avions ritualisé un déjeuner, au décours duquel lui-même abordait la question de mon augmentation. Il me faisait une proposition, que jamais je n'ai osé discuter. Parce que j'ignorais la valeur de ce que je faisais et que, en un sens, j'avais trop peur de risquer de passer pour quelqu'un de trop gourmand. En vérité, je ne l'étais pas assez. Au fur et à mesure des années mon salaire a évolué de façon relativement linéaire jusqu'à ce que je réalise, ayant changé d'entreprise entre temps, que ma grille de salaire personnelle était clairement en deçà de ce qu'elle aurait du être. En ce qui me concerne, j'avais pêché par naïveté et excès de confiance, non pas en moi, mais en ma hiérarchie.
Nous peinons à grimper les échelons, nous peinons à être rémunérées à notre juste valeur et par ailleurs, nous sommes encore suffisamment "providentielles" pour suppléer aux défaillances de l'Etat, considère Brigitte Grésy qui estime que "dans ce champ particulier des services d'accompagnement à la personne, (l'Etat) est loin du compte en matière d'Etat providence". Les femmes sont en effet celles qui réduisent leur temps de travail pour s'occuper des enfants et/ou des personnes âgées dépendantes. L'analyse globale de Brigitte Grésy est pour le moins bien tranchée, et pas à la faveur des femmes. Elle écrit : "Non seulement on fait payer aux femmes de leur temps et de leur fatigue,
cette double activité professionnelle et familiale, cette articulation
qu'elles assument, toutes les études le montrent, à 80%, mais on leur
fait payer, sur leur lieu de travail, cet ajustement du temps auquel
elles sont contraintes, en les culpabilisant sans répit. Double peine
encore pour les femmes ! Elles n'ont ni le beurre, ni l'argent du
beurre. Elles payent physiquement pour ajuster et on leur fait payer
moralement le fait d'ajuster. Elles sont, nous sommes toutes, des
ajusteuses ajustées." En somme, on tend le baton pour se faire battre.
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