vendredi 29 décembre 2017

Beate Klarsfeld, le combat d'une vie

Beate Künzel est une héroïne. Le serait-elle devenue si, en mai 1960, son chemin n'avait pas croisé celui de Serge Klarsfeld à Paris ? Elle est la fille d'un soldat allemand, il est le fils d'un juif roumain. Tous les oppose a priori. Et pourtant, de leur amour naît un destin et un combat hors du commun. Toute leur vie, ils iront à la chasse aux nazis, aux quatre coins de la planète. Inlassablement, ce sera leur voeu le plus cher : que justice soit faite et que les nazis paient pour leurs crimes.

A propos de son épouse, Serge écrit :

"De nous deux, c'est Beate la plus fiable et la plus solide. Elle entreprend tout, les plus petites choses et les plus grandes, avec conscience, intelligence et sang-froid.(...) Elle peut rentrer de n'importe quelle expédition au bout du monde et, le lendemain, faire son marché comme si elle n'était jamais partie. Elle sait s'adapter à toutes les situations, toujours aimable et souriante".

Dans leurs "Mémoires" écrites à quatre mains et publiées en 2015, Beate et Serge Klarsfled racontent minutieusement chacun de leurs combats. Chapitre après chapitre, ils écrivent à tour de rôle ce que fut leur quotidien. Serge développe souvent l'admiration sans faille qu'il porte à son épouse, cette femme sans peur et sans reproche qui n'a pas ménagé sa peine, a sillonné le monde, risqué sa vie, est passée plusieurs fois par la case prison pour que justice soit faite et que le peuple allemand prenne conscience de son passé et de la nécessité qu'il y avait à débusquer les nazis là où ils se trouvaient.

Photo Sipa


De son côté, elle raconte les différents épisodes de sa vie comme une évidence : il y avait nécessité à ce qu'elle se batte, en tant qu'Allemande. En somme, c'était son destin et elle s'y est investie sans trop se poser de questions, même lorsqu'un colis piégé est envoyé à son domicile, même lorsque la voiture familiale explose. Il fallait que quelqu'un mène ce combat : ce fut elle.

Quand elle écrit, elle remercie souvent Raïssa, la mère de Serge qui les a tellement aidés d'un point de vue financier et logistique, prenant en charge les enfants du couple autant que de besoin, même si elle n'approuvait pas toujours les combats de Beate. Inlassablement étonnante et pleine de surprises, alors qu'elle en est à raconter sa traque de Klaus Barbie en Amérique du sud, Beate écrit soudain :

"On se demande sans doute : "A quoi pense-t-elle pendant qu'elle poursuit ces impitoyables SS jusqu'au bout du monde ?" En fait, et c'est peut-être ma force, je m'angoisse sur des problèmes tels que : "Pourvu que je rentre avant huit jours, parce qu'Arno risque de ne pas avoir assez de caleçons; Serge sortira tous les jours avec des chaussures poussièreuses parce que je ne suis pas là pour les cirer; que fera Arno dimanche après-midi ?; zut ! j'ai oublié le ticket de pressing sous le téléviseur et Raïssa ne le trouvera pas".



Quand on lui demande sa profession, Beate répond : "sans métier, ménagère".
Beate aura mené sa vie tambour battant, oeuvrant pour l'Histoire avec un grand H, résolue, entêtée, traquant les Kurt Lischka, Klaus Barbie et autres assassins où qu'ils se trouvaient, pour que Justice soit rendue et que la conscience collective se réveille. Elle aura su donner la parole aux oubliés, se faire entendre partout dans le monde, d'Israël au Pérou, en passant par l'Allemagne, la Bolivie, le Chili, la France, ...

Beate Klarsfeld est une héroïne des temps modernes, épaulée, encouragée par son mari. On dit souvent que derrière chaque grand homme se cache une femme. Dans le cas présent, la réciproque est vraie. Ce couple hors du commun a fait un bien fou à l'Humanité.

Une exposition leur est consacrée jusqu'au 29 avril 2018 au Mémorial de la Shoah, à Paris.

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