Parmi les 70 témoignages que j'ai recueillis ces dernières années, beaucoup de femmes ont été amenées à revoir leurs plans professionnels et leur style de vie au fur et à mesure que les années passaient. Vanessa, qui était chargée de recouvrement, est devenue créatrice en maroquinerie. Hélène évoluant dans le commerce international du vin, travaille aujourd'hui comme assistante commerciale dans une PME du secteur industriel. Caroline qui travaillait dans les ressources humaines en région parisienne est devenue professeure des écoles en milieu rural... Chaque fois, mes femmes-témoins ont opéré des choix, voulus ou subis, souvent suite à la mise au monde d'un enfant. Parce qu'il fallait dégager du temps pour les enfants, parce qu'elles revoyaient leurs priorités.
Il est bien loin le temps où l'on restait dans la même entreprise tout au long de sa carrière, avec un avancement linéaire, sans prise de risques. J'ai récemment reçu mon relevé de situation au regard de l'assurance retraite, un document de plusieurs pages égrenant ma vie professionnelle de mes débuts à ce jour, avec une liste étonnante d'employeurs divers et variés. Il me semble que ce relevé est à l'image des trajectoires professionnels des femmes d'aujourd'hui : non-linéaire, saccadé.
En début de semaine, Le Figaro publiait un article sur les choix professionnels des femmes d'aujourd'hui. La journaliste titrait "Les trentenaires ne veulent plus faire carrière, mais...". Selon elle, aujourd'hui, les femmes ne cherchent même pas à grimper les échelons de leur entreprise mais font le choix de créer leur structure, de monter leurs propres projets, mettant ainsi en valeur leurs talents, avec le sentiment salvateur de créer quelque chose, de ne plus subir des décisions venues d'en haut, d'être aux commandes, enfin. Selon la journaliste, "ce rejet du modèle traditionnel de la réussite explose au moment même où faire carrière ne veut plus rien dire".
Mais il y a deux façons de considérer cette évolution du travail pour les femmes : on peut effectivement comprendre que ces femmes font le choix d'oser créer des entreprises à leur image, d'exprimer ainsi leurs talents et leurs idées, en prenant le risque de l'échec, parce qu'elles voient des femmes pour qui ces initiatives ont été couronnées de succès (on en revient alors encore à l'importance des roles-modèles). Mais on peut aussi supposer qu'elles sont contraintes à en venir à de tels choix parce que toute possibilité d'évolution au sein des "entreprises traditionnelles" est entravée par ce satané plafond de verre qui les empêche de progresser comme elles le mériteraient. Autrement dit, dans cette analyse, leur choix de créer leurs entreprises équivaudrait à contourner les entraves masculines pour enfin réussir.
Si cet élan féminin est enthousiasmant, la créatrice du réseau Femmes de Bretagne, Marie Eloy, tempère toutefois, dans ce même article du Figaro : "Seules 12% des femmes vivent correctement de l’entrepreneuriat en
France, et 80% restent au stade de l’économie informelle (c’est-à-dire à
la tête d’une structure sans salariés… ni revenus dignes de ce nom).
Seules 14% d’entre elles embauchent plus de dix personnes". Le chemin semble encore long et parsemé d'embûches et les femmes doivent encore apprendre à user des mêmes outils que les entrepreneurs masculins, à travailler en réseau, à développer leur chiffre d'affaires... Mais elles osent.
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