Il y a quelques jours sur le marché de ma ville, j'ai assisté à une scène qui m'a à la fois énervée et figée sur place. J'ai été outrée par ce que j'entendais mais ai été incapable de réagir. Avec le recul, je mesure que c'est ce genre de situations qui nourrit le patriarcat et le climat machiste de notre société. Une nouvelle recrue de la police municipale, une jeune femme, visitait pour la première fois le marché. Un commerçant la regarde passer et dit, à haute et intelligible voix : "je crois que je vais enlever mon masque. Ça mérite bien 135 euros d'amende!" Face à lui, un autre commerçant qui n'a rien manqué de la scène, surenchérit : "Plutôt que l'amende, je veux bien qu'elle sorte ses menottes". Les deux ricanent. Personne ne réagit. La policière n'a quant à elle peut-être rien entendu, ou bien est-elle déjà habituée et blasée par ce type de comportements.
Pour ma part, je me sentais bouillir de l'intérieur, très mal à l'aise. Mais je n'ai rien dit. Je n'ai pas réagi. Je ne me suis pas mise en colère. Je n'ai pas dit à ces deux commerçants ce que je pense de ce qu'ils imaginent n'être qu'une blague. Ils auraient sans doute considéré que je réagissais comme une féminazie qui ne comprend rien à l'humour, auraient ajouté que cette femme cumule : elle est jeune, elle est belle, elle porte un uniforme, cet uniforme incarne l'autorité, elle porte une arme, des menottes. Au fond, il faut qu'elle accepte qu'elle incarne tout ce qui excite le mâle, non ?
Mais si personne ne leur dit combien leur attitude est abjecte et dégueulasse, combien ce qu'ils pensent être de l'humour n'est que du sexisme, comment la société pourrait-elle évoluer ? Je considère que j'ai raté l'occasion de faire un brin de pédagogie avec eux. J'aurais du leur expliquer qu'ils peuvent bien penser ce qu'ils veulent, mais que s'exprimer de la sorte devant des gens, devant des enfants, exprimer leur excitation à la simple vue d'une jeune femme en uniforme est inacceptable. J'aurais du leur rappeler que si leur sexe reste bien caché dans leur pantalon, leurs pensées n'ont pas à franchir la barrière de leurs lèvres. Qu'ils se taisent à la fin ! Qu'ils cessent, ces hommes, de considérer les femmes comme dévolues à leurs seuls désirs ! Qu'ils cessent de répandre leurs idées sexistes, machistes et désobligeantes ! Qu'ils témoignent un minimum de respect ! Quant à nous, cessons d'être tétanisées face à ce type de comportements, réagissons. Expliquons-leur, sans relâche s'il le faut, que ces attitudes n'ont pas leur place dans une société digne de ce nom.
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