jeudi 4 mars 2021

PPDA et la drague à base de bisous dans le cou

Je suis d'abord tombée sur Claire Chazal sur France inter, dans l'émission de Sonia Devillers, L'instant M. A la demande de la journaliste selon qui on ne peut pas faire semblant et ne pas évoquer l'affaire PPDA, Claire Chazal a donné son point de vue. J'ai cru qu'elle lisait un texte tant son propos était construit. Mais ce n'était pas le cas, ai-je ensuite vérifié en regardant la vidéo de l'émission sur le site de la station de radio. Claire Chazal n'a pas laissé transparaître d'émotion. Elle qui fût la compagne de PPDA dans les années 90, avec qui elle a eu un enfant, décrit un homme qui aime séduire, qui aime - "pourquoi ne pas le dire ?" - multiplier les conquêtes. Elle dénonce les rumeurs selon lesquelles il aurait eu des comportements déplacés avec des jeunes femmes dans la tour de TF1. Elle prend sa défense, en décriant cette époque où l'on ne prend pas en considération ce qu'elle appelle "le droit à la complexité". Elle souligne l'importance de mettre le sujet des violences faites aux femmes sur la table. "Il est normal et bienvenu que les femmes parlent enfin" mais ajoute-t-elle : "Je trouve regrettable que dans bien des affaires, des bourreaux supposés* soient jetés en pâture devant le tribunal de l'opinion et même peut-être devant le tribunal médiatique. Je suis pour la complexité des situations, je suis pour l'écoute des deux parties".

Et puis, j'ai appris que l'accusé - présumé innocent -, Patrick Poivre d'Arvor donc, avait été l'invité de Yann Barthès hier soir dans le Quotidien sur TMC. "L'écoute des deux parties" réclamée par Claire Chazal avait en fait eu lieu. PPDA a eu la parole. Il a livré sa version des faits. Alors j'ai regardé. Et j'ai été mal à l'aise. Voilà un homme qui nie les faits qui lui sont reprochés - mais au fond, quel homme reconnaîtrait face caméra avoir violé qui que ce soit ? -, qui traite évidemment son accusatrice d'affabulatrice, et qui balance que si elle l'accuse, c'est parce que le livre qu'elle a publié en janvier dernier se vend mal et que donc, elle a besoin d'un peu de pub. Il explique que depuis deux semaines, il n'avait pas pris la parole mais que là, trop c'est trop, ce qu'on lui inflige est insupportable. Ça lui rappelle l'affaire de Dominique Baudis, son ami traîné dans la boue qui avait été accusé de viols et de proxénétisme au début des années 2000. Ce dernier était ressorti blanchi de cette affaire, PPDA n'en attend pas moins.

Visuel TMC
 

Surtout, Poivre d'Arvor nie les rumeurs qui courent sur lui, selon lesquelles à TF1, on savait qu'il avait une fâcheuse tendance à courir les jeunes femmes, que ces dernières évitaient de prendre l'ascenseur avec lui. Il dit n'avoir jamais forcé personne, il assure que le consentement est pour lui un totem. Mais quelque chose lui échappe. Il parle de "petits bisous dans le cou" qu'il dispensait aux femmes - habitude qu'il met sur le même plan que les compliments qu'il faisait -, tout en se défendant d'être un dragueur lourd...

Entendons-nous bien : il est présumé innocent. Il n'est pas coupable tant que rien n'a été prouvé. Mais sa défense est minable : venir sur un plateau de télé pour louer la bonne vieille drague à l'ancienne et dézinguer la femme qui l'accuse ne redore pas son blason. S'il est innocent, on comprend que tout ce déballage le révolte. Mais se défendre ainsi est abject. Il aurait du se taire. Et Yann Barthès n'aurait pas du l'inviter. On pourrait d'ailleurs reprocher à ce dernier, de même qu'à Sonia Devillers face à Claire Chazal, de s'être montrés bien timorés. Sans doute est-il compliqué de se retrouver à interviewer ces deux monstres sacrés du PAF (paysage audiovisuel français) mais tout de même. PPDA comme Claire Chazal ont pu dérouler leurs argumentations sans contradiction ou si peu. On leur a déroulé le tapis rouge. PPDA a aussi reçu le soutien de Jean-Pierre Pernaud dans les Grandes gueules. Et Florence Porcel dans tout ça ? De quels soutiens bénéficie-t-elle ?

Cette histoire, et le traitement médiatique qui en est fait, révèle à nouveau combien il reste compliqué de s'en prendre au pouvoir, montre une fois de plus les limites de la prise de parole. "Selon que vous serez puissant ou misérable", écrivait Jean de la Fontaine.

* Lapsus révélateur ? : avant de dire "bourreaux supposés", elle a commencé par dire "victimes".


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