Depuis l'affaire Weinstein, si les langues se délient autour du harcèlement sexuel dont les femmes sont les victimes partout dans le monde et quelles que soient les catégories sociales ou secteurs professionnels, un débat s'est également ouvert autour de ce que véhicule le cinéma. Pourquoi est-ce que Weinstein a pensé que les actrices dont il a abusé lui appartenaient ? "Parce que dans l'inconscient collectif, la féminité des actrices nous appartient", analyse l'actrice française Sara Forestier. Selon elle, ce qu'il y a à discuter, c'est l'injonction à ce que les actrices soient sexy et glamour. Il y a tromperie sur la marchandise, de son point de vue. Pour elle, les acteurs et les actrices ne sont pas là pour vous séduire, ou pour être désirés, non. Leur métier, c'est de créer de l'émotion. Or l'émotion ne passe pas nécessairement par un corps de femme nue, par du maquillage ou des tenues de haute couture. Interviewée ce 6 novembre dans l'émission Stupéfiant de Léa Salamé, l'actrice montre qu'elle a bien l'intention de ne pas rentrer dans le moule. Elle refuse de se forcer à développer une image lisse et sexy d'elle-même et a répondu aux questions de Léa Salamé en survêtement, pas coiffée, pas maquillée. Un petit symbole que l'on peut passer sous silence mais qui fait mouche :
Dès le lendemain, Raphaël Enthoven, dans sa chronique d'Europe 1, se prend les pieds dans le tapis du gars donneur de leçons, considérant que Sara Forestier a commis une erreur en pensant qu'elle "n'est pas maquillée quand elle n'est pas maquillée", ajoutant que "parler sans maquillage à l'oeil d'une caméra, c'est se maquiller en celle qui ne se maquille pas". Aouch ! "Quand Sara Forestier tombe le masque, elle joue celle qui tombe le masque", ajoute-t-il. En gros, une actrice, quand elle est filmée, reste une actrice, elle ne peut pas être sincère, elle joue forcément un rôle...
On a quand même envie de dire qu'avec des hommes pareils, les femmes ont toujours tort : tort quand elles se maquillent et qu'elles sont trop désirables, tort aussi si elles ne se maquillent pas puisqu'elles jouent à celles qui font semblant d'être naturelles. Quelle aurait été selon Raphaël Enthoven une juste réaction de Sara Forestier au phénomène qu'elle dénonce ? On ne le saura pas. Juger, c'est facile, proposer, suggérer, c'est au-dessus de ses possibilités.
Dans cette même émission Stupéfiant, l'actrice Macha Meril, elle, voit les choses différemment. Oui, dit-elle, le secteur du cinéma est ambigu et son fonctionnement repose sur la séduction. Oui, elle aussi a eu à répondre à des réalisateurs "borderline". "Quelquefois ça me plaisait, quelquefois ça ne me plaisait pas", résume-t-elle. Présentée comme une actrice à qui on ne la fait pas, une actrice qui maîtrise les règles du jeu, elle reconnaît pourtant: "dans ces métiers-là, on ne va pas loin du feu. On va dans des zones extrêmement brulantes". Et de suggérer à celles qui ne seraient pas prêtes à cela de passer leur chemin.
Antoine Sire, auteur de Hollywood, la cité des femmes, rappelle pour sa part que le cinéma est une manipulation de l'homme pour conformer les femmes. Il décrit un secteur développé par les hommes et pour les hommes, faisant toutefois rêver les femmes qui, manipulées par l'image bouleversante et glamour des grandes actrices hollywoodiennes des années 40 et 50 - filmées par des hommes, exclusivement -, ont cherché à leur ressembler. Est-ce tellement différent aujourd'hui ? Claude Lelouche l'exprime lui-même : "Les femmes parlent à une caméra comme si c'était Brad Pitt (...). C'est un peu malhonnête une caméra : on tente des choses que l'on n'oserait pas en face à face"...
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